Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 8.djvu/15

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vaillé d’amour propre, voluptueux, enthousiaste, romanesque, curieux d’aventures, réfractaire à toute discipline, incapable de sacrifice, impropre à l’action, plus apte à l’effort qui renonce qu’à l’effort qui conquiert, et saisissant par le rêve les jouissances dont son inertie lui fait manquer la possession réelle ; un être candide, orgueilleux et timide, soupçonneux, défiant, ombrageux, à la fois ravi et souffrant du monde, de la politesse, de toute cette brillante vie de société où il a été introduit sur le tard, où il se sent gauche, toujours mal à l’aise, et primé par l’aisance élégante des sots qui y sont nés.

Retenons surtout deux points :

1° Cet être vibrant est toujours dans des états extrêmes ; il ne s’exprime que par cris son expression est partout outrée, absolue, intransigeante. Tout est perdu ; tout ou rien ; fripons ; coquins, voilà son vocabulaire accoutumé. Tout est perdu veut dire ouvrez l’œil, et fripon signifie ce qu’on appelle dans le monde un riche honnête homme. Comme jamais il n’est maître de lui, comme jamais son intelligence ne s’abstrait, pour travailler seule, du tumulte de sa vie imaginative et sentimentale, il ne combine pas raisonnablement ses idées, il ne les ajuste pas avec réflexion l’une à l’autre. Elles explosent successivement. Il fonce tour à tour en tous sens. S’il a été trop loin dans une direction, le saisissement qu’il éprouve à découvrir l’autre face des choses, le jette brusquement sur la pente contraire. Sa manière d’obtenir la note moyenne, c’est de juxtaposer violemment deux tons francs.

2° Il ne pense jamais ou presque jamais par curiosité intellectuelle, par un besoin de connaissance rationnelle