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SYSTÈME

suffrages, ils ne se seraient pas moins trouvé obligés de les faire porter sur eux seuls à un second tour de scrutin, et quel qu’ait été le vainqueur dans la lutte, il n’en eut pas moins eu réellement 76 suffrages contre lui ; et cependant il eut dû être présenté comme ayant la majorité absolue des suffrages en sa faveur.

Faisons une seconde hypothèse, moins éloignée du train ordinaire des choses ; supposons seulement trois candidats A, B, C, dont, à un premier tour de scrutin, le premier ait obtenu 27 suffrages, le second 27 aussi et le troisième 26 seulement ; supposons en outre que le candidat C agrée aux votans qui se sont prononcés en faveur de A et B, mais un peu moins pourtant que ces deux derniers ; supposons qu’au contraire tous ceux qui n’ont pas voté pour A ou pour B aient une extrême répugnance à les voir élus ; il n’en faudra pas moins choisir entre ces deux candidats seulement à un nouveau tour de scrutin ; et l’un d’eux sera alors réputé avoir obtenu la majorité absolue des suffrages : la vérité sera pourtant qu’il n’en aura eu réellement que 27 et que le candidat C qui était préféré par 26 votans, et vu sans répugnance par les 54 autres, aura été écarté dès le premier tour de scrutin.

On voit donc que le cas de plus de deux candidats, loin d’atténuer les vices du système que je viens de combattre, n’est propre le plus souvent, au contraire, qu’à en rendre les conséquences plus dangereuses. Je pourrai donc, dans ce qui va suivre, continuer à supposer qu’il n’y a que deux candidats seulement[1].

  1. Le peu qui précède est propre en même temps à faire entrevoir combien l’art des scrutins est difficile ; et c’est pourtant sur cet art que reposent les destinées des états libres. Les géomètres ont bien trouvé des méthodes parfaites en théorie, mais ces méthodes portent sur une hypothèse malheureusement inadmissible ; celle de votans tous éclairés et de bonne foi. C’est sans doute dans la vue de balancer en partie les inconvéniens que je viens de signaler en passant, qu’on a inventé, à diverses époques, les scrutins de liste, les listes de rejet, etc. ; mais ces palliatifs ne sont pas eux-mêmes sans quelque danger, et veulent