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JUGEMENT

Nous devons observer, au surplus, pour rassurer ceux de nos lecteurs qui pourraient être effrayés d’un semblable risque, que la formule de M. Laplace suppose que la probabilité de la rectitude de l’opinion de chaque juge peut avoir indistinctement tous les degrés de valeur entre et tandis que, dans des matières criminelles sur-tout, des hommes d’élite ne se décident guère à se prononcer contre un accusé, à moins que la probabilité de sa culpabilité ne leur paraisse fort au-dessus de et très-voisine de l’unité ; à quoi on peut ajouter encore que, fort souvent, les juges ou les jurés font, dans l’intérêt de l’accusé, une déclaration contraire à leur véritable opinion, quelque fondée que cette opinion puisse d’ailleurs leur paraître.

Il faut pourtant excepter de ceci les jugemens relatifs à ce qu’on est convenu d’appeler délits politiques. Il n’arrive malheureusement que trop, en effet, que, dans ces sortes de jugemens, l’esprit de parti aveugle les juges et leur fausse la conscience à tel point que tantôt les indices les plus fugitifs suffisent pour les déterminer, et que tantôt, au contraire, les preuves les plus manifestes ne sauraient trouver accès dans leur esprit ; heureux encore lorsqu’ils ne votent pas contre leur conviction. Si l’on joint à cette considération que, dans de telles affaires, la crainte impose silence à la plupart des témoins soit à charge soit à décharge, ou leur fait supposer des faits, et que le moins qu’il puisse arriver est qu’ils exagèrent ou pallient des faits réels ; on sentira quel fond on doit faire, en général, sur des sentences, soit d’absolution soit de condamnation ; prononcées au milieu des troubles civils.

On se tromperait grossièrement si l’on se figurait que la question de législation qui vient de nous occuper est la seule où l’application du calcul soit nécessaire ; ces sortes de questions sont, au contraire, excessivement nombreuses. Pour en donner un nouvel exemple, sans sortir toutefois de ce qu’il y a de plus élémentaire, arrêtons-nous un moment sur la question des appels.