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IMAGINAIRES.

Ces exemples suffisent pour prouver qu’on ne doit point confondre un théorème faux avec un théorème sujet à restriction. D’Alembert a dit quelque part : Les exceptions confirment la règle, loin de la détruire[1]. Lagrange a dit (Résolution des équations numériques, dernière édition, note IX, page 105) : Ce principe est généralement vrai ; mais j’ai remarqué depuis qu’il était sujet à de exceptions qui pouvaient mettre la démonstration précédente en défaut[2].

  1. Il est peu de maximes plus dangereuses, et en même temps plus fréquemment employées, que celles dont M. Bérard cherche ici à s’étayer. Que peut, en effet, signifier cette maxime, si l’on veut lui donner un sens raisonnable ? sinon que les hommes n’établissent des exceptions que là seulement où ils ont posé des règles ; et il est très-vrai de dire qu’alors l’existence de l’exception prouve celle de la règle. Que, par exemple, l’on soit en doute, dans deux mille ans d’ici, si, au dix-huitième siècle, on pouvait être admis, à l’âge de 19 ans, à l’académie des sciences de Paris ; et qu’alors on découvre l’acte de l’autorité royale qui autorise une exception en faveur de Clairaut ; n’ayant encore que cet âge ; dès-lors le doute disparaîtra, et il sera vrai de dire que l’exception prouve la règle, loin de la détruire. Mais, si quelqu’un soutenait que les français ne sont pas propres à l’étude des sciences exactes, et qu’on lui objectât l’exemple de M. Bérard ; je le demande à M. Bérard lui-même, serait-il fondé à répondre que l’exception confirme la règle. Il ne peut donc être ici question que d’institutions humaines, et non de principes naturels ou métaphysiques. Autrement, autant voudrait dire que pour démontrer un théorème, il ne s’agit que de prouver qu’il est faux dans certains cas ; et que ce qui prouve invinciblement que tous les nombres sont pairs, c’est qu’il y en a une multitude qui ne sont point divisibles par deux ; ce qui n’est certainement pas la pensée de M. Bérard.
    J. D. G.
  2. L’autorité de Lagrange, que M. Bérard invoque ici, nous paraît, au contraire, prononcer contre lui. Il s’agit, en effet, en l’endroit cité, d’une démonstration de Foncenex que Lagrange rejette, uniquement parce que, quoiqu’exacte en général, elle est néanmoins sujette à certaines exceptions. Et, ce qui est très-remarquable, c’est que ces exceptions ne portent que sur la démonstration elle-même, et non sur le principe qui n’en souffre aucune.
    J. D. G.