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ALGORITHME

grandeur dont on puisse se former une idée absolue, une idée communicable par des mots, sans le secours d’aucune comparaison à d’autres grandeurs de la même nature ; c’est aussi la seule grandeur qui soit nécessairement limitée dans ses accroissemens ; car, bien que le calcul puisse souvent conduire à considérer des angles plus grands que quatre angles droits, il n’en demeure pas moins certain que l’usage que l’on fait des angles en géométrie n’exige jamais qu’on en emploie aucun qui excède cette limite. Que l’univers croisse ou décroisse dans une proportion constante quelconque, tout croitra ou décroitra suivant cette même proportion : les angles seuls demeureront invariables ; et c’est même là le fondement de la similitude. En un mot, il n’y a, pour les angles, ni microscope ni télescope ni illusion optique ; et le plus ou le moins d’intervalle qui nous en sépare ne change absolument rien à leur aspect. Lors donc qu’on dit que toutes nos connaissances roulent uniquement sur les rapports que les choses ont entre elles, cette proposition ne peut être admise que sous la condition de faire, à l’égard des angles, une exception formelle.

La parité que l’on voudrait établir entre l’angle droit, considéré comme mesure naturelle des angles, et le quart du méridien terrestre, considéré comme mesure naturelle des longueurs, ou encore la durée de la rotation diurne de notre terre, considérée comme mesure naturelle du temps, me paraît reposer sur une équivoque palpable, et ne saurait être sérieusement soutenue. Que veut-on dire, en effet, lorsqu’on dit que le quart du méridien terrestre et ses sous-multiples sont des unités de longueur prises dans la nature ? Sinon que ce sont des unités qui ne sont pas plus particulières à une contrée de notre globe qu’à toute autre ; que ce sont des unités que tous ceux qui l’habitent peuvent également regarder comme les leurs, parce qu’ils se trouvent tous en même situation par rapport à elles. Ce sont des unités prises dans notre nature humaine et terrestre ; mais qui ne sont pas plus naturelles pour les habitans de Saturne ou de Jupiter que ne le serait pour