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FONCTIONNEL.

nous la longueur du quart du méridien de Jupiter ou de Saturne. Que, par un événement qu’on ne peut prévoir, les dimensions de notre globe viennent à éprouver quelque changement, et dès-lors notre mesure naturelle des longueurs cessera de l’être, parce que dès-lors nous vivrons sous l’empire d’une nature différente ; et tout ce que je dis ici du quart du méridien terrestre, considéré comme mesure naturelle des longueurs, peut être rigoureusement appliqué, mutatis mutandis, à la durée du jour et de ses parties, considérée comme mesure naturelle du temps.

La vérité est qu’au lieu de considérer l’angle droit comme la mesure naturelle des angles, il serait peut-être mieux, pour éviter toute équivoque, de dire que l’angle droit est une mesure des angles prise hors de la nature matérielle. Que l’on conçoive, en effet, tout l’univers anéanti, nos mesures prétendues naturelles des longueurs et des temps le seront avec lui ; mais pourvu qu’il reste, dans cet univers détruit, un plan fixe et indéfini et un être intelligent, cet être pourra encore se former une idée nette de l’angle droit, et créer même la géométrie rationnelle toute entière.

En un mot, si les angles ne présentent aucune différence intrinsèque avec toutes les autres sortes de grandeurs simples, qu’on essaye donc de découvrir dans l’étendue linéaire ou dans la durée indéfinie quelque nombre absolu, analogue au nombre que l’on déduit si naturellement de la considération des angles ?

III. Je passe à l’objection la plus grave peut-être. Comment, dit-on, si le raisonnement de M. Legendre était concluant, un raisonnement en tout pareil au sien, pourrait-il conduire à une conclusion évidemment absurde ? Examinons donc ce raisonnement qu’on prétend opposer à celui de M. Legendre.

On dit communément que l’on peut, par des formules analitiques, obtenir un angle d’un triangle en fonction de ses trois côtés ; mais, en s’énonçant ainsi, s’exprime-t-on d’une manière correcte ? je ne le pense pas. La formule connue