Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/16

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pa) n’avaient encore donné aucun nom à leur pays avant la venue parmi eux, au VIIe siècle de notre ère, des missionnaires bouddhistes Indous, leurs initiateurs à la civilisation[1]. Les Chinois, qui sont en relation avec elle depuis nombre de siècles, l'appellent Si-Tsang ou Ouei-Tsang (du nom de sa partie principale, la province d’Oui ou d’Ou). Les Mongols la nomment Tangout, nom adopté par les Russes, ou Borantola. Enfin, les Européens l’ont désignée successivement sous les divers noms de Tébeth (qui paraît pour la première fois dans la relation du voyage du cordelier Guillaume de Rubruquis, ambassadeur du roi de France, Louis IX, auprès de Mangou, grand khan de Tartarie)[2], Tèbet, Thobbot, Tubet et, en dernier lieu, Thibet et Tibet, dérivés probablement des expressions, tibétaines Thoub-phod « Très fort », ou Tho-Bod « Haut-Pays »[3].

Cet étrange parti-pris d’exclusion absolue à l’égard des étrangers, dont le Tibet est aujourd’hui le dernier représentant parmi les peuples à peu près civilisés, passe à juste titre pour un trait caractéristique de l’esprit politique et du tempérament des peuples de race jaune, et s’explique généralement, — au point de vue physique, par la richesse naturelle de l’immense contrée, aire de cette race, assez fertile et assez abondamment pourvue de tout ce qui est indispensable à la vie pour pouvoir se passer des apports de l’étranger ; — au point de vue moral, par une profonde divergence d’idées, de mœurs et d’institutions avec les peuples, même les plus voisins ; — au point de vue politique, par la crainte de la corruption sociale, du relâchement des

  1. B.-H. Hodgson, Essays on the language, literature and religion of Nepál and Tibet, p. 9, in-8o. Londres, 1874.
  2. Voyages de Benjamin de Tudelle, de Jean du Plan-Carpin, du frère Ascelin et de ses compagnons, de Guillaume de Rubruquis, etc., p. 328, in-8o. Paris, 1830.
  3. Léon Feer, Le Tibet, p. 6, in-18. Paris, 1886. — Selon Hodgson (l. c.), le mot Tibet serait d’origine persane.