Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/17

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mœurs qu’amène le plus souvent un développement exagéré de la richesse et du luxe, qui en est la conséquence naturelle (préoccupation qui paraît évidente dans plusieurs édits restrictifs du commerce, rendus par les anciens souverains de la Chine), et du trouble (que pourraient éventuellement apporter dans les institutions de l’État les opinions subversives, les exemples et les menées d’étrangers affluant en trop grand nombre. Cette explication — qui est celle que donnent officiellement les gouvernements de l’Extrême Orient pour excuser leur exclusivisme — s’accorde assez bien avec la haute opinion qu’ont ces peuples de la supériorité de leur antique civilisation, et le mépris profond dans lequel ils tiennent les Barbares du ciel d’Occident ; mais, pourtant, elle n’est pas absolument exacte et ne s’applique qu’à un état de choses relativement moderne. Nous savons, en effet, que pendant plusieurs siècles, loin de s’ériger en pays fermé, la Chine a multiplié ses efforts pour étendre ses relations politiques et commerciales et accueillait volontiers les étrangers aventureux qui pénétraient chez elle, à quelque race qu’ils appartinssent : nous n’en voulons pour preuve que la faveur dont jouirent les Polo et les Mandeville à la cour de la Chine, et la façon courtoise — et même jusqu’à un certain point empressée — dont furent reçus les premiers Européens qui parurent dans ses ports. Quelle peut donc être la cause d’un changement aussi profond ? Nous n’avons pas besoin, pour la découvrir, de fouiller longtemps dans les Annales de la Chine ; il nous suffit, hélas ! d’ouvrir les relations de voyage de quelques-uns de ces hardis aventuriers qui, poussés par l’auri sacra fames plus que par la passion des découvertes, portèrent dans ces mers lointaines les divers pavillons des nations de l’Europe. Leurs pirateries, leurs brigandages — qu’ils racontent naïvement comme choses les plus naturelles du monde[1] — expliquent de reste

  1. Voir les Voyages aventureux de Fernand Mindez Pinto, in-4o. Paris 1628.