Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 12-13.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’explique ainsi une curieuse légende rapportée par le Mani Kamboum : — Avalokiteçvara naquit un jour d’un rayon de lumière rouge issu de l’œil droit d’Amitâbha méditant profondément sur les moyens de sauver le monde. À peine né, l’Être parfait, dont la charité est l’essence, constata avec une profonde douleur que les enfers étaient pleins de misérables créatures expiant leurs fautes dans d’atroces tourments, et fit vœu de les délivrer toutes par le mérite et la puissance de sa méditation. Ainsi fut fait. Mais hélas, il s’aperçut que les enfers, vidés pour un instant, s’emplissaient de nouveau d’une foule toujours croissante de pécheurs. Avalokiteçvara ne put supporter ce désolant spectacle et soudain sa tête se rompit en mille morceaux. Amitâbha s’empressa bien de réparer ce désastre, mais si grande que fut son habileté il ne put parvenir à réunir les mille morceaux en une seule tête et se vit obligé d’en faire onze. Pour consoler son fils de son impuissance à accomplir son vœu charitable, il lui promit qu’un jour viendrait, à la fin des temps, où le péché disparaîtrait du monde, où tous les êtres goûteraient enfin la béatitude du Nirvâna.

Dans son culte mystique et tântrique, on donne pour Çaktî, ou compagne, à Avalokiteçvara la déesse Dolma[1], forme bienveillante de la Kâlî çivaïte désignée dans l’Inde sous le nom de Târâ, la sauveuse. Outre cet emploi spécial, Târâ fait partie du groupe des Bodhisattvas célestes parmi lesquels elle occupe une place considérable avec ses vingt-et-une transformations, toutes objets d’un culte très fervent, car contrairement à l’opinion des casuistes hinayânistes qui refusent aux femmes la capacité de parvenir au salut, les mahâyânistes font une large place à l’élément féminin dans les diverses classes de leur panthéon.

Au dessous des Dhyâni-Bodhisattvas évolue la classe nombreuse des êtres appelés Bodhisattvas, c’est-à-dire

  1. Sgrol-ma.