Aller au contenu

Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/968

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
312
histoire des idées théosophiques dans l’inde

s’agit plus de reconnaître, par un effort de la pensée, l’identité du moi et de l’âme universelle, comme dans le Védanta ; — ni de distinguer l’âme de tout ce qui n’est pas l’âme, comme dans le Sānkhya ; — mais, par une méthode moitié spirituelle, moitié physiologique, de réaliser cette intégration de l’âme qui constitue le salut.

La suppression des fonctions de l’intellect n’est point quelque chose de négatif ; elle est tout aussi positive que l’exercice de ces fonctions. Si celui-ci, la pravṛiti, est une marche en avant, l’autre, la nivṛtti, est un retour en arrière, et non point un arrêt sur place. Cette observation a une très grande importance pratique ; elle explique pourquoi il faut des opérations, et même de très pénibles efforts pour effectuer la cessation de l’activité du citta. Ce n’est pas tout. Puisque la rétraction est une réalité, tout comme la mise en action, on comprend qu’elle laisse un saṁskāra, un résidu : « si l’on niait l’existence de ce résidu, on n’aurait aucun droit de soutenir que le yoga se renforce avec le temps » (Y. S. S., p. 4).

L’isolation du puruṣa doit être absolue. Il n’en est pas du yoga comme de ces suppressions momentanées des fonctions intellectuelles qu’on a l’occasion d’observer au courant de l’existence. À la différence du sommeil profond ou de l’extase, le yoga se traduit par deux résultats, définitifs l’un et l’autre. Tout d’abord, il extirpe les germes de renaissances futures. En outre, il stérilise les prédispositions produites par le fonctionnement de l’organe pensant dans les existences antérieures. « C’est dans deux phases successives que le yoga sape d’avance les fondements d’existences ultérieures, et qu’il efface les empreintes qui déterminent l’existence actuelle. Dans la première, il est « conscient », samprajñāta-yoga : la pensée est alors exclusivement attentive à son objet propre, et toutes les modifications du citta sont suspendues dans la mesure où elles dépendent des choses extérieures[1] » ; les fruits qu’il procure sous cette forme

  1. Sarvadarśanasangraha, p. 164.