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Page:Annales du Musée Guimet, Bibliothèque d’études, tome 22-23.djvu/975

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LA THÉOSOPHIE BRAHMANIQUE

tion, la rétraction des sens, la méditation, la fixation de la pensée, l’examen réfléchi, la concentration de l’esprit[1]. » Mais sans doute on reconnut de bonne heure que la « réflexion », loin d’être un adjuvant, constituait un élément de trouble dans l’évolution de l’extase ; on l’élimina donc, tandis qu’on augmentait le nombre des procédés externes. Aujourd’hui, les yogins s’insurgent contre les descriptions du Rājayoga qui tendent à le présenter comme un exercice intellectuel[2]. Ils ont raison. Bien qu’on l’appelle « la connaissance qui sauve », tārakajñāna (Y. S. III, 54), le yoga n’est pas à proprement parler un moyen d’acquérir un savoir. Qui en doute n’a qu’à voir en quoi consistent les sept étapes par lesquelles le yogin s’élève à « l’intelligence définitive »[3] ; cette « connaissance suprême » commence par être en quatre étapes la libération de tout ce qu’il y a à faire ; dans les trois dernières, elle débarrasse l’âme de l’organe de la pensée.

A et B. Premier et deuxième anga : interdictions et injonctions.

La liste s’ouvre par une double série d’interdictions, yama, et d’injonctions, niyama, sur lesquelles la doctrine semble s’être fixée tardivement[4]. En effet, on constate dans les textes de nombreuses divergences au sujet de l’étendue et du contenu de ces énumérations. Il va sans dire d’ailleurs que ces indications ne sont point pour le Yoga ce que sont les décalogues du bouddhisme et de l’Ancien Testament.

  1. Maitr. Up. 6, 18. Une Upanisad beaucoup plus récente, l’Amṛtabindu, répète cette liste dans un ordre un peu différent.
  2. Un fervent adepte du yoga m’a dit avoir perdu toute la confiance qu’il avait eue précédemment dans le savoir de M. Deussen, parce que celui-ci, dans ses Erinnerungen an Indien ([{{{1}}}]77), a défini le Rāja-yoga comme étant l’« intellectuelle Hingebung an das Göttliche ».
  3. saptadhā prāntabhūmau prajñā (Y. S. II, 27).
  4. D’après Manu, IV, 204, les yama sont toujours obligatoires, mais non les niyama. Il est donc probable que pour lui les yama sont les règles essentielles de la morale, et les niyama les règles moins importantes. Nulle part, Manu ne définit ces deux termes avec quelque précision.