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ET OUVERTURE DU FLEUVE ROUGE AU COMMERCE

il perdrait sa tête. En attendant nous sommes l’objet, de la part des mandarins, d’un espionnage en règle. On prévient M. Millot que plusieurs d’entre eux sont cachés dans une maison qui leur permet de voir tout ce qui se passe à bord des navires, il envoie quelques Chinois pour vérifier le fait ; mais à l’approche des hommes, nos gaillards s’échappent par une croisée de derrière en laissant une partie de leurs vêtements et leur boîte à bétel pour mieux courir.

Nos jonques sont prêtes à partir demain. Vers le soir, le vice-roi me fait dire qu’il lui est impossible de me faire fournir quoi que ce soit par ses mandarins : question de sa tête ; mais il a fait dire secrètement à Long-Siéou-Yé de se mettre à ma disposition dès que j’aurais dépassé Son-tay. Évidemment, c’est la peur du général Tchèn qui lui fait tenir ce langage, et puis il me voit décidé à partir quand même. Ce Long-Siéou-Yé est le premier lieutenant de Liéou-Yûen-Fou, chef des Pavillons-Noirs, et commande un détachement de ces derniers à Kouen-cé. Il viendra, me dit-on, dans la nuit, secrètement, pour s’entendre avec moi.

Pour fêter mon départ, je donne ce soir un festin à nos amis. Le colonel Tsaï, notre ami Kin, le hétzang ou chef de la communauté cantonnaise, y assistent, ainsi que les capitaines des canonnières et d’autres. Comme tout se passe à Hâ-noï, je préviens de faire attendre Long-Siéou-Yé s’il se présente. La soirée se prolonge fort tard, mais je ne peux pas laisser là mes invités. Nous avons là, bien entendu nos chanteuses et nos musiciens, selon l’usage ; j’avais chargé Ly-Ta-Lâo-Yé d’organiser la fête et il fait bien les choses. Enfin mes invités sont contents et c’est tout ce que je désire. Comme je dois quitter Hâ-noï demain matin, au point du jour, pour remonter au Yûn-nân je fais à ces derniers mes adieux. Je remets à Tsaï, pour le général Tchèn un grand sabre de cavalerie, deux revolvers 12mm avec deux cents cartouches, et une jumelle ; à lui-même, un revolver 7mm et cent cartouches ; enfin à Kin, une carabine 12mm. Il est 4 heures du matin quand je rentre à bord ; je m’informe de Long-Siéou-Yé : personne n’est venu. On croit cependant que celui-ci est descendu à Hâ-noï. Le vice-roi aurait dit au hé-tzang de s’entendre avec le lieutenant des Pavillons-Noirs pour me fournir des jonques. D’après ce que je vois, il a terriblement peur, il ne sait trop que faire d’après la dépêche de Tchèn-Tong-Lin, et d’un autre côté il ne voudrait pas avoir l’air de céder officiellement.