Page:Annales du Musée Guimet, tome 1.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
21
LE MYTHE DE VÉNUS

de l’écume des rints ne pouvait plus avoir de mère. Dès lors le nom de la mère devint un des surnoms de la fille. Aphrodite est déjà nommée Dioné chez les Alexandrins, chez Théocrite notamment. Virgile, Ovide, Stace, lui donnent aussi ce nom. Mais à l’origine, pour la Grèce primitive, l’une est la mère, l’autre la fille.

Dioné a été longtemps la divinité principale d’une grande partie de la Grèce, particulièrement de l’Épire. Si nous examinons philologiquement son nom, il nous est aisé d’y reconnaître une forme féminine de Bios ou Zeus, le Dieu suprême, identique au Deits des Latins. Dioné était adorée à Dodone conjointement avec Zeus son époux, formant avec lui le couple sacré qu’on trouve dans toutes les religions primitives. Il est permis de l’identifier avec la Junon latine ; c’est la même fonction mythique et le même nom, qui veut dire simplement « la déesse. »

Ainsi dans ces premiers temps de la Grèce, Dioné était une Junon locale, et probablement celle des populations pélasgiques répandues sur les deux rives de l’Adriatique. Plus tard l’Héra d’Argos prévalut, peut-être parce que la race argienne avait prévalu sur ses voisines. Héra veut dire « maîtresse ». Au fond l’une et l’autre étaient des Reines du ciel, comme plusieurs divinités orientales dont nous aurons à parler bientôt.

À l’origine toutes ces divinités étaient identiques, mais appartenaient à des lieux différents. Plus tard, quand les populations se mêlèrent, on les accepta simultanément comme distinctes. Trompé par la différence des noms, on les prenait pour des divinités différentes. Ainsi se peuplait l’Olympe. Chacun de ces dieux nouveaux apportait avec son nom tout le cortège de légendes qui s’étaient formées autour de lui, et les attributs dont l’avait enrichi la fantaisie de ses premiers adorateurs. Suivant la fortune diverse de chaque peuple, certaines divinités montaient en grade, d’autres tombaient à des rangs inférieurs. Ainsi Dioné, identique d’abord à Junon et à Héra, n’est plus dans Hésiode qu’une nymphe marine. Dans l’hymne homérique d’Apollon, elle devient une de ces divinités secondaires qui accompagnent à Délos l’accoucheuse des déesses, Ilithye, pour assister à la délivrance de Latone. Nous avons ailleurs, en racontant l’histoire de la nymphe Io [1], montré et expli-

  1. Le mythe d’Io, Lyon, Vingtrinier, 1872, et Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1868, p. 255.