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LE RÂMÂYAṆA.

mons ses dards acérés comme les foudres d’Indra et qui, signe caractéristique, leur ôtent la vie à la façon des malédictions d’ascètes : अददू रक्षसं प्राणान् शापा इव तपस्विनां[1].

Suit alors une longue description des effets et des ravages de ces flèches magiques. La dernière que le héros leur envoya fut d’une puissance exceptionnelle. Elle se nommait la Gândharvide, et l’effet qu’elle produisit sur les râkshasas survivants fut celui de la folie. Elle les rendit fous, mohitâh, au point qu’ils tournèrent leurs armes contre eux-mêmes et se massacrèrent les uns les autres, anyonyam, en croyant tuer Râma. Cette extermination n’épargna qu’un très petit nombre, et comme le chef en était, il fut assez insensé pour recommencer le combat. Mais alors la colère de Râma devint terrible ; il parut semblable au noir Yama, kâlântaka Yama upamaḥ. Saisissant une flèche divine pour la mort de tous les râkshasas, दिव्यं समससे सोऽस्त्रं बधार्थं सर्वरक्षसां, il abattit, malgré le trait doublement magique, mâyâmayam, qu’opposa au sien le féroce Khara, presque tout-ce qui restait encore debout de l’armée, nommément le chef et son général, le diable Triçirâs. Causa diis placuit victrix. Par conséquent tous les immortels accoururent pour rendre hommage au descendant de Kâkutstha en l’acclamant par des sâdhu ! sâdhu ! bien ! bien ! retentissants[2].

Mais il restait Khara et son chef d’état-major. C’était assez pour que la lutte recommençât. L’arrière-ban des râkshasas accourut et l’action qui reprit fut plus sanglante encore que celle qui venait de finir. Triçirâs parvint même à planter trois dards dans le front de Râma : त्रिशिरसा वाणौर्त्तलाटे[3]. Le héros blessé ne put s’empêcher d’admirer cet exploit, et s’écria : « Aho vikrama ! Oh ! le beau trait ! Je suis content de toi, mon vaillant ! prîto’ smi te, mahâbâho ! À mon tour, maintenant ». Et ce disant, il fait un massacre épouvantable et absolument inouï ; tous les démons y passent, et finalement il fend le cœur de Triçirâs en y plantant dix flèches, puis coupe en riant de colère les trois têtes du monstre. Khara fut pris de peur, mais prenant son courage à deux mains, il fondit sur Râma comme Vṛitra sur

  1. Râm., III, 31, 17.
  2. Ib., 32, 21.
  3. Ib., 83, 13.