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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

Indra[1]. Rien n’y fit, ses armes se brisèrent contre celles du héros. L’atmosphère était enflammée par les étincelles qui se dégageaient du choc de tous ces traits. Le combat fut long et bien plus homérique que tous ceux de l’Iliade, et si Râma s’en tira, ce ne fut que grâce à l’arc de Vishṇu, dont le grand hercule Agastya lui avait fait présent. Les génies célestes et les munis ne manquèrent pas de célébrer avec des chants cette nouvelle victoire, et les dieux avec les maharshis se joignirent à cette démonstration[2].

Néanmoins Khara était encore debout, sa massue à la main. Il a tout perdu fors le courage. Aux discours insultants de Râma, il répond d’abord par des vanteries, disant qu’il pourrait exterminer les trois mondes, qu’il fera sans tarder tomber la tête de son adversaire et qu’il emploira le sang du vaincu en guise d’eau, करिष्यामि उदकं, pour la libation aux mânes de ses râkshasas tués[3]. Le héros, souriant avec ironie, lui réplique vertement en l’appelant un vil râkshasa, un assassin de brahmanes, brahmaghna, un être abject, nîca, et que, quelque protégée, trâṇan, que soit sa tête, il la fera tomber à l’instant, adya. Alors commencent des passes d’armes entremêlées d’autant de discours, dont la prolixité en injures et en provocations laisse loin derrière elle la loquacité et la verbosité des héros d’Homère. Enfin Râma y met fin en renversant son ennemi par un trait flamboyant pareil au tonnerre de Çakra. Et au même moment on entendit au milieu d’acclamations célestes, une voix qui cria : « Hâta eva durâtmâ ! le scélérat est mort[4] ! » Alors tous les grands ṛishis, ṛishis des rois, ṛishis des dieux, ṛishis des brahmanes descendirent ensemble sur la terre pour saluer Râma avec un triple dishtyâ ![5]. « Tu as grandi, lui disent-ils ensuite, dans le devoir du kshatra par la connaissance du dharma धर्मज्ञ वर्धसे क्षत्रधर्मेण. Brahmâ a vu ce beau combat, et ici présent, entouré de tous les dieux, il t’en témoigne sa satisfaction[6]. » Sur cela Râma fit un acte d’adoration, namaç cakre, et rentra dans sa cabane où Sîtâ, ramenée par Lakshmaṇa, salue le héros, un vrai fils d’Arya, ârya-putra, avec le cri

  1. Râm., III, 84, 2.
  2. Ib., 31, 35 sq.
  3. Ib., 35, 31.
  4. Ib., 35, 96.
  5. Cri de triomphe et de louange qui équivaut au Hourra des Mongols.
  6. Râm., 35, 106.