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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

l’avertissant même que, à cause de son incurie, de son avarice, etc., il perdra bientôt son royaume et ressemblera, réduit à l’indigence, à l’herbe des champs : क्षिप्रं राज्यच्य्ज्तो दोनस्तूणतुल्यो भविष्यति. Car un roi quand il a perdu sa couronne ne peut plus rien faire et n’est plus bon à rien. En cela elle se trompait ; un roi qui n’a plus de couronne peut encore cultiver son jardin, c’est-à-dire faire simplement son devoir de tous les jours.

Rudement secoué par ce discours, Râvaṇa sort de son apathie en demandant avec colère à celle qui l’apostrophe sans ménagement : « Qu’est-ce que Râma ? d’où vient-il ? quelle est sa force et sa valeur ? pourquoi vient-il dans cette sauvage forêt Daṇḍaka ? »[1] Puis, d’autres questions. La râkshasî l’instruit de tout ce qu’elle sait de Râma, de Sîtâ et de Lakshmaṇa, finissant par l’exhorter à venger par la mort de ces personnes la boucherie que l’incomparable archer, comme elle appelle Râma, dhanushmatâ, a faite de son frère et de ses sujets. À ces paroles, les poils du démon se hérissent de plaisir, lomaharshanam, et il réfléchit à ce qu’il doit faire. Puis, ayant arrêté sa résolution et fait son plan, s’étant dit : iti kartavyam, voilà ce qu’il faut faire, il se rend sur son char dans un bois solitaire où un rakshasa, nommé Marîca, vivait en ascète, vêtu d’une peau de gazelle noire et dans l’abstinence de tout. Habile en paroles, vâkyakovidaḥ, il l’instruit de ce que par le fait de Râma il est arrivé à Khara et à son armée, lui demande son assistance contre cet infâme kshatriya[2], et lui dit ce qu’il attend de lui. Marîca se rendra, transformé en une jolie gazelle dans l’ermitage de Râma, où Sîtâ, quand elle verra un si bel animal, voudra l’avoir. Alors Râma et Lakshmaṇa ne manqueront pas de se mettre à sa poursuite et Sîtâ, restant seule dans la solitude, je l’enlève. « Ma vengeance sera complète. »

Ainsi parla Râvaṇa. Mais Marîca qui connaissait Râma, et le savait semblable au grand Indra et à Varuṇa, lui exprima la crainte que le héros dans sa colère ne fît vider le monde à tous les râkshasas : अपि रामो न संक्रुह्चः कुर्याल्लोकमराक्षसं, et mettant Râvaṇa au fait de l’histoire du fils de Daçaratha et des qualités de ce lion, il l’adjura de renoncer à son dessein. Pour mieux le convaincre, il lui raconte ce qui lui est arrivé avec Râma alors

  1. Râm., III, 38, 2.
  2. Ib., 40. 16. — Marîca se prononce Marîtcha.