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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

mais un bien pour toi, si ma mort peut rompre ton dessein : बध्यतो हि ममैकस्य धु:खं तव प्रयोजनं । यदि केवलमेतसच्चि कर्यिस्य निधनं भवेत् ॥[1]. Mais se convainquant enfin que toutes ses remontrances sont vaines, il finit par dire avec désespoir : « Que dois-je faire ? kin karishyâmi ? Insensé que je suis, je ferai ce qui t’est agréable. »

Content d’être parvenu à son but, Râvaṇa tâche de rassurer Marîca par des rodomontades sur sa force. « Nulle part, dit-il, on ne voit rien qui soit égal à moi : नमे प्रबिलं क्वचित् दृश्यते. Que puis-je donc appréhender des hommes ? et Râma n’est qu’un homme. » Le malheureux ignorait que Râma était Bhagavat dans sa 19e incarnation, एकोनविंशे, et qu’il devait soulager le monde du mal qui l’écrasait[2]. Se croyant sûr du succès, il ajoute : « Dès que je tiendrai Sîtâ, je m’en irai rapidement à Lañka, qu’entoure une mer large de cent yojanas. Quant à toi, habile dans l’art des prestiges, mâyâvî, sois prompt à disparaître aussitôt que tu auras éveillé le désir de Sîtâ. » Allons, lui réplique Marîca, la mort dans l’âme et certain de sa perte, allons ! गच्छामि, montant dans le char de Râvaṇa, ils arrivent promptement près de l’ermitage de Râma. Alors Marîca se dépouille de sa forme de râkshasa, et devient la plus jolie gazelle qu’il soit possible de voir. Et sentant le besoin de se donner du courage, il se dit que, placé entre Râvaṇa et Râma, le meilleur parti à prendre, préférable à la vie même, est l’obéissance, श्रेया मे थर्तृवचनं न जीवितमिहात्मन:[3] Puis, résolument il s’avance vers l’ermitage. Mais avant qu’il ne vît Sîtâ, Sîtâ l’avait déjà vu : म ददर्श सीतां सीता च तं पूर्वतरं ददर्श. Voilà qui peint d’un trait la nature fine et déliée de la femme.

D’abord la noble dame resta immobile d’admiration ; puis, elle dit à son époux. « Vois cette gazelle d’or : पश्य हेममयं मृगं. La pensée de posséder un si bel animal me transporte de joie. » Aussitôt Râma se montre disposé à contenter son épouse chérie et, laissant Lakshmaṇa auprès d’elle pour lui

  1. Râm., ib., 45, 18.
  2. Bhâgavata-Purâṇa, I, 3, 23.
  3. Râm., III, 48, 16.