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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
une autre traduction. Ces secours, il est vrai, ne nous permettent d’arriver qu’à une conception subjective, qui peut rarement prétendre à une valeur objective[1]. » Autrement dit, sur le terrain des Gâthas, les deux écoles ont suivi essentiellement la même méthode, avec cette seule différence que M. Spiegel a bien reconnu l’unité de conception des Gâthas et de l’Avesta[2], tandis que l’école védisante cherche dans les Gâthas des conceptions d’une période plus ancienne[3].
Cette insuffisance de la traduction pehlvie est plus apparente que réelle et tient à des causes très diverses.
Écartons tout d’abord une cause tout extérieure et qui tient à l’incorrection du seul texte dont on fît usage jusqu’à présent. Le texte correct, ou du moins plus correct, que permettent de rétablir les deux manuscrits des Dastùrs[4], supprime nombre des bizarreries et des erreurs qui scandalisaient l’étudiant et nous laissent en face des causes intérieures de désaccord, les seules qui aient une valeur dans la question qui nous intéresse. Or, la plupart des accusations que l’interprète européen élève contre l’interprète pehlvi reposent sur deux malentendus :
1o L’interprète européen cherche dans la traduction pehlvie l’explication grammaticale du texte zend et ne la trouve pas : or, comme la traduction pehlvie est pourtant littérale, il en conclut que l’interprète ne comprend pas le texte original. Il oublie que le système grammatical diffère du tout au tout, du zend au pehlvi ; que la construction, dans le passage de la langue ancienne à la langue nouvelle, a subi un renversement complet ; que la déclinaison synthétique a disparu et que dans le verbe les passés, imparfaits et aoristes, ont fait place à des formes passives[5], et que par suite, la traduction, étant littérale, est nécessairement anti-grammaticale.
2o Le traducteur pehlvi a un travers, commun à beaucoup de traducteurs : il affectionne les traductions étymologiques et ses étymologies sont géné-
  1. Commentar ueber das Avesta, II, 188.
  2. Ibid., p. 179 et suiv.
  3. Nous ne pouvons renvoyer à aucun exposé de l’école, parce qu’elle n’a point donné de traduction complète des Gâthas. Il ne serait pas juste de renvoyer à celle de Haug qui est un travail de jeunesse, et d’une jeunesse très exaltée (1858-1860).
  4. Voir plus bas, ch. VIII, ii, 1o
  5. Études iraniennes, I, p. 189.