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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
Ces deux traductions furent accueillies avec bienveillance par les quelques savants qui s’occupent de la matière et furent généralement considérées comme réalisant un progrès sur les traductions antérieures. Mais quand M. Max Müller, en 1884, me demanda d’achever l’œuvre commencée, en traduisant le Yasna et le Vispéred, je ne pus me résoudre à accepter, ne me trouvant pas suffisamment armé pour cette tâche. Je considérais une traduction de ces deux livres comme impossible à cette date, étant donnée la pénurie des secours dont on disposait alors.
Ces deux livres, en effet, présentent deux difficultés particulières et que, pour ma part, je ne me croyais pas en état de surmonter. Pour chacun des deux premiers volumes j’avais eu des secours suffisants. Pour le Vendidad, on possède une bonne traduction pehlvie, qui représente la tradition sassanide, et qui est un guide sûr et direct pour entrer dans l’intelligence du texte. Pour les Sîrôzas, les Nyâyish et quelques-uns des Yashts, j’avais aussi trouvé des traductions pehlvies ou sanscrites. Pour la plus grande partie des Yashts, il est vrai, nous sommes sans secours direct : mais ces Yashts traitent en grande partie de sujets épiques, et j’avais cherché, et je crois, trouvé, dans le Livre des Rois et dans la tradition épique de la Perse, un commentaire indirect qui, pour n’être pas littéral, n’en est pas moins instructif 1[1]. Pour le Yasna et le Vispéred, la recherche semble d’abord mieux armée que pour les Yashts ; car elle dispose d’une série de traductions pehlvies, sanscrites, persanes, gujraties. Mais ces traductions nous laissent désarmés contre la principale difficulté, qui consiste en ce que le Yasna et le Vispéred sont des textes liturgiques, c’est-à-dire des textes récités dans l’accomplissement d’un certain cérémonial. Il est clair que tant que ce cérémonial est inconnu, les textes, qui en sont le reflet ou le commentaire, ou si l’on aime mieux, qui en sont l’âme, ne se suffiront pas à eux-mêmes. La chose importante dans le sacrifice, ce ne sont point les paroles, mais les actes qui accompagnent ces paroles, les actes qui sont l’objet même du sacrifice et son accomplissement et auxquels ces paroles font allusion. Or, la traduction pehlvie, au moins dans la seule
  1. 1. Voir plus bas, ch. ii.