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ANNALES DU MUSÉE GUIMET
phètes qui ont paru en Perse avant Zoroastre durant des milliers et des milliers d’années[1] La science aussi a sa Némésis.
Après Jones, vint le grammairien Richardson, qui essaya de donner une forme scientifique aux attaques de Jones en les appuyant sur des considérations philologiques[2]. Il invoque contre l’authenticité du zend le grand nombre de mots arabes que l’on trouve en zend et en pehlvi, — or l’arabe n’a pas pénétré le persan avant le viie siècle de notre ère ; la dureté du zend, qui contraste avec l’euphonie du persan et admet des sons et des groupes de sons que le persan ne tolère pas ; enfin l’absence de toute ressemblance entre les racines des deux langues. À ces raisons tirées de la forme, il ajoute, à l’exemple de Jones, la stupidité peu commune du fond. Le zend est pour lui une sorte de lingua franca qu’on a formée des dialectes des pays environnants, groupés ensemble sans aucune prétention grammaticale, et « ressemble plus à des incantations de nécromanciens qu’à la langue d’un peuple renommé à toutes les époques pour la mélodie de ses accents ».
En Allemagne, Meiners fit écho : à tous les méfaits déjà reprochés à l’Avesta, il en ajouta un tout à fait inattendu : c’est que l’Avesta apporte du nouveau et des choses dont on n’avait jamais entendu parler, « Qui, je vous prie, pourrait attribuer à Zoroastre des écrits où l’on trouve d’innombrables noms d’arbres, d’animaux, d’hommes et de démons, inconnus aux anciens Persans ; et des opinions, des superstitions, des cérémonies étrangères et d’apport tardif, que nous savons avoir été aussi loin de la doctrine des anciens Perses que le ciel de la terre… Quel Grec, en effet, a jamais parlé de Hom ou de Djemschid et autres, que les inventeurs de ces niaiseries glorifient comme des héros divins[3] ? » Au milieu de ce fatras Meiners égare une observation exacte qu’il ne sut pas interpréter et qui aurait pu ouvrir une
  1. Tke Desatir or Sacred writings of the ancient Persian Prophets… published by Mulla Firuz bin Kaus, 2 v. in-8o, Bombay, 1818 ; voir S. de Sacy, Journal des Savants, 1819.
  2. A Dissertation on the Languages, Literature and Manners of Eastern Nations, Oxford, 1777.
  3. « Quis enim Graecorum unquam vel Hom vel Djemschid aliosque homines nominavit, quos harum nugarum inventores tanquam divinos heroas omni laudum genere celebrant… » (De Zoroastris vita, institutis, doctrina et libris, dans les Novi Commentarii de la Société royale de Goettingen, 1778).