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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

peuvent pas être le remaniement de textes préexistants. Les textes dont le fond est pré-alexandrin, en tout ou en partie, peuvent être le remaniement de textes antérieurs, et pour eux la question se pose de savoir si le Zoroastrisme ancien, celui des Achéménides, possédait un livre sacré, un Avesta, dont ils pourraient dériver. Les Gâthas sont le type des textes post-alexandrins : les parties législatives du Vendidad sont le type des textes dont le fond est pré-alexandrin. Essayons d’abord de déterminer d’une façon plus précise la date des Gâthas, qui sont à la fois et la partie neuve du Zoroastrisme et la partie ancieime de la rédaction actuelle, puisque tout le reste de l’Avesta les cite sans cesse et s’y réfère.

La date des Gâthas se place entre des limites assez restreintes. On a déjà vu qu’elles ne peuvent être plus anciennes que le ier siècle avant notre ère, ou peut-être même que Philon d’Alexandrie : car le degré d’élaboration qu’elles présentent des idées néo-platoniciennes nous reporte dans l’atmosphère intellectuelle qui a créé Philon ou que Philon a créée. Quant à la limite au-dessous de laquelle on ne peut descendre, elle nous est donnée, si je ne m’abuse, par la numismatique des rois indo-scythes.

Nous savons qu’au milieu du ier siècle de notre ère, l’Inde du nord était au pouvoir de peuplades d’origine scythique, que les Chinois appellent Yué-tchi et les Indiens Çakas. Ils avaient détruit l’empire grec de Bactriane vers l’an 125 avant notre ère ; et un siècle plus tard ou plus, unifiés sous le nom de Kushans, ils passaient dans l’Inde et fondaient au nord un empire qui devait durer plusieurs siècles. Le plus grand de leurs empereurs, Kanishka, qui fut intronisé l’an 78 de notre ère[1], et son successeur Huvishka, qui régna d’environ 110 à 130, ont laissé d’innombrables monnaies, qui nous ont rendu, outre les divinités brahmaniques et buddhiques, presque tout le panthéon de l’Avesta. Or ces monnaies zoroastriennes de la fin du ier siècle de notre ère nous offrent les noms des divinités mazdéennes, non pas sous la forme que nous trouvons dans l’Avesta, la forme zende, mais sous la forme dérivée du zend, celle que présentent les

  1. Point de départ de l’ère scythe ou çaka, qui marque, non pas la date de l’anéantissement des Scythes, comme le veut la tradition postérieure, mais l’avènement de leur plus grand roi (Oldenberg, Indian Antiquitry, 1881, 289-328).