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ANNUAIRE ENCYCLOPÉDIQUE

A

j ABYSSM1E.’— Nous avons raconté l’année

dernière la fin tragique de l’empereur Théodoros.

Il avait commis. Une faute, qu’il a payée de son trône et de sa vie, celle de se persuader que le courage admirable dé ses soldats constituait une force avec, laquelle il pouvait défier la sévère discipliné des armées européennes. S’il avait eu une idée plus juste des moyens dont disposaient ses ennemis, il aurait reculé prudemment devant eux ; au lieu de les attendre à Magdala, il les aurait attirés plus avant dans là région montagneuse, et se dérobant toivjoùrs à leurs coups, les faisant harceler par des bandes infatigables, il aurait laissé aux intempéries et aux fièvres le soin de les faire disparaître de la vieille terre des Négous. Les Anglais n’avaient pas d’autre crainte, et si Théodoros eut été conseillé par des gens intéressés au triomphe des envahisseurs, il n’aurait pas agi autrement qu’il ne le fît.

Magdala pris, le Négous mort, les Anglais se hâtèrent de regagner le rivage. Lorsqu’ils se rembarquèrent dans les environs de l’antique Adoulis, ils laissaient PAbyssinie dans la situation la plus triste et la plus périlleuse. Les Gallas mahométans pouvaient profiter de cette confusion pour porter un coup fatal au christianisme a’byssihV et soustraire à l’influence des Européens un pays qui devait s’ouvrir de lui-même à la civilisation ; le général en chef de l’armée anglaise l’avait compris au milieu de ■ son triomphe, et la crainte d’une invasion musulmane qui aurait fait de sa victoire, le triomphe de la barbarie, le préoccupait vivement*après la prise de Magdala, comme nous l’avons montré dans le précédent Annuaire.

Théodoros était, sans doute, un parfait modèle de despotisme, et beaucoup de ses actes —portent le cachet d’une barbarie révoltante. Mais il faut tenir compte des mœurs et du milieu, et, dans tous les cas, le Négous terrassé par les armées anglaises paraissait être le seul homme capable de reconstituer la nation abyssinienne, de la délivrer à là longue des guerres intestines ■ qui la déchirent depuis si longtemps et l’ont si malheureusement affaiblie, et de la mettre à

l’abri des invasions des peuples musulmans qui la pressent de toutes parts.

Ici vient se placer un épisode d’un grand intérêt qui jette une vive lumière sur quelques points de l’histoired’Abyssinie dans ces derniers temps. Les chrétiens de ce pays ont un grand respect et une vive sympathie pour ’les Arméniens qui, dans leur grand établissement de Jérusalem, accueillent tous les ans les pèlerins abyssiniens. Les Anglais avaient donc prié le patriarche arménien de Jérusalem d’intervenir auprès de Théodoros pour obtenir de lui l’élargissement des prisonniers européens, et le pa-triarche s’était empressé d’envoyer auprès du négous une mission dirigée par un évêque, Mgr Sahag. L’un des représentants les plus éminents de la nationalité arménienne, M. le prince Mek Dadian a bien voulu faire traduire pour nous, une relation de. la mission confiée à Mgr Sahag, et c’est avec ce document sous les yeux, que.nous allons suivre J’évêque arménien dans l’empire des négous, qu’il a traversé dans toute son étendue, de l’occident à l’orient. — - •

Le 25 mai 1867, Mgr Sahag, accompagné d’un vartabed, ou vicaire, quittait Suez, et après quatorze jours de voyage, arrivait à Kassala, . dans" le Taka, ’ d’où il se dirigea surGalla bat, où il dut s’arrêter quelques jours. Il s’engagea ensuite dans la province de-Tchelga, où il perdit son vartabed, emporté par une fièvre chaude, et arriva à Zar-Amba, une des places fortes de Théodoros, où il put.faire savoir au négous son arrivée. Théodoros donna ordre de le bien traiter ainsi que toute sa suite, lui écrivit qu’il irait le chercher en personne, ou qu’en cas d’empêchement, il lui enverrait un de ses officiers. L’abouna, ou patriarche d’Abyssinie, venait précisément de mourir et le négous était heureux de voir arriver un nouvel évêque ; les deux officiers, qui commandaient à Zar-Amba ne. se conformèrent pas, malheureusement, aux volontés du négous, qu’ils savaient fort embarrassé ; ils fournissaient à peine le nécessaire à l’évêque et l’empêchaient de poursuivre sa route. Les troupes anglaises débar-