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RÉUNI

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Le calme se rétablit enfin dans la ville, où les troupes bivaquêrent néanmoins jusqu’à quaire heures du matin."Du côté de l’insurrection on constata six morts et unévingtainéde blessés ; dans les rangs, un officier, trois soldats, qui, joints à ceux atteints dans la soirée du 30 novembre, en -portent le nombre à deux officiers, "cinq gendarmes et sept soldats ; d’infanterie de marine.

Pendant ces tristes luttes, M. Dupré avait réuni dans la salle du conseil privé tous : ceux dé ses conseillers présents au Gouvernement, La question de l’état de siège avait été ; déjà posée au sein du conseil, "qui s’était montré unanimement d’avis qu’il ne fallait pas hésiter à le proclamer Si le désordre continuait ou s’aggravait. Aussi, dans la nuit du 2 au ;3, la question fut-elle décidée d’emblée, et là discussion ne porta que sur les formalités ; avec lesquelles la déclaration devait être faite. L’avis du Conseil fut qu’il y avait lieu de se conformer.aux prescriptions de l’article 12 de l’ordonnance organique de 1825- Le conseil de défense, convoqué en conséquence pour le 3 décembre, à sept heures du matin, adopta sans hésiter la proposition qui lui fut faite dans ce sens, et l’étal de siège fut proclamé dans la matinée. Cette nouvelle impressionna vivement la population et la fit rentrer en elle-même. Le gouverneur fit alors appel à la milice, et le 34écembre il put la voir réunie sous les ordres de son nouveau commandant M. Bouil- " lier, ex-capitaine d’infanterie de marine ; son ancien chef n’ayant pas répondu à la convocation qui lui avait été adressée. Celte prise d’ar^ mes des citoyens assura l’ordre, qui depuis] lors n’a pas été troublé, et M. Dupré a pu faire relâcher la plupart des individus.arrêtés ; les autres ont été condamnés à diverses peines ; la plus forte a atteint un Indien coupable d’incendie, et pour lequel on a réclamé les ; travaux forcés à perpétuité. Mais, tout en sévissant, le gouvernement a cru devoir donner de certaines satisfactions à l’opinion publique.

Le directeur de l’intérieur a été « autorisé à se rendre en France » et provisoirement remplacé par M.’de Keating, qui a déjà rempli ces fonctions par intérim en 1864. Un nouveau se^ crétaire général, M. d’Esmenard a égalenienl pris la place de l’ancien. M. Dupré nommait en même temps deux commissions pour étudier, Tuneles réformes à apporter au régime dej l’assistance publique, l’autre à celles que sollicitait la-Providence. Depuis, cette école à été supprimée et le local qu’elle occupait affecté à un hôpital. Enfin le service des contributions diverses a été licencié. j

De son côté, là métropole, cédant aux sollicitations du gouvernement colonial, a décidé que le cadre des institutions de la Réunion serait élargi dans le sens libéral. Dans un avenir, que l’on dit très-prochain, Je droit électoral y serait établi d’après des conditions de capacilé subordonnées à l’écriture-du vote par les élee- teurs, sans préjudice, — bien entendu, des incapacités établies par la loi.

Ces mesures ont donné satisfaction à l’opinion publique ; mais ft’est-il ; pas regrettable qu’elles soient dues à une émeute, et que dés citoyens aient été contraints’dé les payer deleur sang" ? Nous le demandons à la métropole, carJà le gouverneur ne saurait être mis’ on causé. On le : sait si bien à Paris que. M. Dupré aélé maintenu au gouvernement de la Réunion jusqu’au 31 août 1869, époque à laquelle il a désiré rentrer en France. C’est M. de Lormol, goriVernéur de là Guadeloupe qui lui-a succédé. En quittant l’île : « J’ai semé dans la peine-et dans l’angoisse, a dit M. Dupré ; puissent lues successeurs récolter dans la joie et l’abondance ! » Il est certain qu’il s’est trouvé à la Réunion dans la période la plus pénible que la colonie ait peut-être.jamais traversée. Il la quitte au moment même où une ère nouvelle, une ère de.liberté et de prospérité paraît s’ouvrir pour elle. Eri dépit des regrettables événements auxquels il a été- mêlé, M. Dupré a pu partir le front haut, avec l’intime conscience d’avoir fait son devoir. Si tous les partis.ne l’ont pas encore absous, il lui est permis de penser que demain ils, seront unanimes pour lui, rendre justice. Tout récemment un journal’ qui ne se pique pas de bienveillance poiir le régime de nos colonies, ni pour les ’hommes" chargés de l’appliquer, la Liberté coloniale, ..né : pouvait s’empêcher d’élever la voix en faveur, de M, Dupré. «Oui, disait-il, nous osons prédire qu’un jour la colonie rendra une justice complète et tardive à cet homme de bien, à cet homriie d’honneur, à cet homme libéral, à cet homme intelligent, à ce gouverneur actif et dévoué qui a fait beaucoup de bien, qui est entré dans l’angoisse des pauvres dans les jours d’épidémie, dans leur misère dans" les jours de calamité ! Plus d’une mère songera que cet amiral a donné de sa bourse particulière l’instruction à son fils, .obligé de quitter les Coursdu lycée par suite de la détresse publique ; que sans cesse la pensée de ce haut fonctionnaire était attachée au bien à faire à la jeunësse, ’etc.».

La Réunion a subi dans toute -sa violence le contre-coup des agitations dont elle a été le théâtre. « Notre pays cherche à sortir partons : les moyens possibles de sa pénible.situation, écrivait-on au. Moniteur de la Flotte, le 19 avril 1869., Mais la : misère est toujours grande, et la population trouve difficilement même le pain quotidien. L’émigration pour la Cochinçhine est à l’ordre du jour... » Pour faire face à des crises qui se renouvellent trop souvent, il s’est