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introduction

les deux textes sont défectueux ; ils offrent tous deux de nombreuses lacunes, et il n’est guère possible d’obtenir la physionomie générale du poème qu’en la composant de divers traits empruntés successivement à l’une ou à l’autre des deux versions. On peut cependant remarquer que le ms. français est le plus souvent en faute, et présente un texte notablement inférieur à celui du norvégien. Les lacunes qu’on y constate sont dues à la négligence ou à la légèreté du scribe, qui souvent laisse de côté les vers les plus nécessaires au développement et à la marche du poème, sans se douter de son erreur ; dans la version scandinave, au contraire, à part quelques exceptions que j’ai relevées plus haut, c’est avec une intention bien marquée que le rédacteur a omis certains passages ; il ne répète jamais, par exemple, les laisses similaires qui n’ajoutent rien à l’action du roman ; de même aussi il supprime presque toujours les allusions littéraires qu’il ne comprenait pas ou que n’auraient pas comprises ceux auxquels il s’adressait ; bien plus, on sent que ce rédacteur s’intéresse réellement aux personnages de son poème, qu’il les suit dans leurs aventures, et quand l’un d’eux, comme le marchand Thomas (p. 125), ne se montre qu’incidemment pour disparaître aussitôt, le scribe a bien soin de noter le fait et d’appeler l’attention à ce sujet. En un mot, les fautes de S sont généralement celles d’un homme lettré et intelligent ; celles de F proviennent toutes de l’étourderie et de la négligence d’un scribe ignorant.

Cette différence entre les deux versions apparaît aussi bien tranchée dans la manière dont les deux ré-