Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/21

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Au bout de deux ou trois minutes, un coup frappé à la porte vint confirmer les prévisions de Harrison.

— Entrez, cria-t-il en reprenant son attitude nonchalante.

La porte s’ouvrit et donna passage à notre vieille connaissance, Joe Briquet, enguenillé comme précédemment, avec son paletot qui lui tombait jusqu’aux talons, et une figure et des mains dont la noirceur dénotait chez leur propriétaire une sainte horreur de l’eau et du savon.

— Bonjour la compagnie, cria Joe en entrant.

— Viens ici gamin, qu’on voie qui tu es, dit Harrison sans se déranger. Tiens, ajouta-t-il en regardant son accoutrement ; est-ce que tu as fait faire ce paletot-là sur mesure ?

— Ce n’est peut-être pas un costume, pour figurer à l’Académie de Musique, dans la troupe de Judic, répliqua Joe avec son effronterie habituelle. Mais si vous n’en êtes pas satisfait, peut-être que nous pourrions nous entendre, pour que je vous autorise à m’en payer un autre.

— C’est fâcheux, mon ami, reprit Harrison avec un gros rire. J’aurais aimé à t’obliger, mais ce genre d’opérations n’est pas dans notre département. Voyons ; amène-toi plus près qu’on te regarde. Comment t’appelles-tu ?

— Joe Briquet.

— Quel est ton métier ?

— Je travaille dans toutes sortes de branches, généralement quelconques, pourvu qu’elles soient honorables et lucratives. Je puis cirer vos bottes, tenir vos chevaux, porter vos paquets au bateau, et rendre au monde une foule d’autres petits services.

— Et aujourd’hui qu’est-ce qui nous vaut le plaisir de ta visite ?

Avant toute autre réponse, Joe commença par prendre une berceuse et par s’y installer, en se renversant en arrière avec les pieds sur le rebord de la fenêtre, dans une situation semblable, en tout point, à celle de son hôte.

— Pour traiter des affaires sérieuses, dit-il gravement, il faut d’abord se mettre à l’aise. Il y a des gens qui attendent qu’on les invite à s’asseoir. Mais je ne voudrais pas vous donner cette peine.