Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/26

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sur le plus beau et le plus fin morceau de drap anglais qu’il y ait dans toute ma boutique.

— Qu’est-ce que vous demandez pour cette guenille ?

— Une guenille ! exclama le Juif. Un vêtement flambant neuf, qui n’a pas été porté plus de quinze jours, par son dernier propriétaire.

— Apportez-moi une glace que je voie comment il va dans le dos.

— Laissez-moi vous arranger cela, fit le Juif qui s’empressa de tirer le vêtement de façon à dissimuler les plis. Il est vraiment superbe. Regardez comme il vous va bien ; c’est un vêtement hors ligne.

— Cela pourrait peut-être passer, si le prix me convient. Quel est votre dernier mot ?

— Je ne le donnerai pas pour un cent de moins que dix dollars ; et vous pouvez dire que c’est un bon marché exceptionnel.

— Bon marché ! exclama Joe. Je voudrais bien savoir ce que vous demanderiez, si vous vouliez le vendre cher !

Le Juif joignit les mains et leva les yeux au ciel, comme une victime innocente et persécutée.

— Regardez ce paletot Salomon, reprit vivement Joe, en lui montrant le vêtement avec lequel il était entré dans la boutique. Voyez quel élégant costume, quelle coupe gracieuse ! Il a été fait sur mesure pour un de mes amis qui est mort avant de l’avoir porté. Jamais je ne songerais à m’en défaire, s’il n’était malheureusement un peu long pour moi. Mais je veux faire un marché avec vous. Si je consens à vous céder ce joli paletot et à prendre la jaquette en échange, combien me donnerez-vous en retour ?

— Quoi pour cette guenille ?

— Vous ne l’avez pas bien regardé Salomon, c’est un paletot de premier choix.

Le Juif parut hésiter pendant quelques minutes, puis il dit en soupirant : « Donnez moi cinq piastres et je fais l’échange. »