Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/27

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— Cinq piastres, cria Joe avec indignation, cinq piastres, vous vous en feriez mourir !

— Donnez-moi quatre piastres. Je ferai le marché parce que c’est vous. Mais j’y perds.

— Allons ! je vois qu’il n’y a rien à faire avec vous, reprenez votre jaquette et rendez-moi mon beau paletot.

— Voulez-vous vous arranger pour trois piastres ? concéda le Juif, au moment où Joe s’apprêtait à franchir le seuil de la porte.

— Deux piastres et pas un cent de plus, fit Joe en mettant un pied sur le trottoir.

— Voyons, ne vous en allez pas comme cela, fit le Juif. Quand je vous ai vu entrer dans ma boutique, je me suis dit que je ferais de vous un Jeune élégant. Je ne veux pas en avoir le démenti : c’est un caprice. Heureusement, je ne fais comme cela des marchés tous les jours. Sans cela, je serais ruiné avant la fin du mois.

— Oui, tout le monde sait que vous êtes un charitable commerçant et que vous donnez votre marchandise par pure bienfaisance. Et Joe passa la jaquette et laissa au Juif son vieux paletot, en lui remettant deux piastres. « N’ayez pas peur de manquer de pain dans votre vieillesse, généreux bienfaiteur de l’humanité. Bien sûr la corporation prendra soin de vous et ne voudra pas vous laisser dans le besoin. »

« Je crois que j’ai mis dedans le vieux grippe-sou, un peu proprement, » se dit Joe à lui-même en contemplant son nouvel habit.

Et en riant à gorge déployée, Joe remonta la rue Craig jusqu’à la hauteur du Champ de Mars et tourna à droite pour s’engager dans la rue St-Laurent. Là, il entra successivement dans une série de boutiques, achetant çà et là, divers objets d’habillement, à des prix fabuleux de bon marché, jusqu’à ce qu’il eut fait entièrement peau neuve, et dépensé un peu plus de cinq piastres.

— Maintenant, s’écria-t-il, en se mirant avec satisfaction dans le ruisseau, me voilà frais et dispos, et tout à fait en tenue pour me montrer dans le monde. Au plumage, on reconnaît l’oiseau.