Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/3

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Pendant ce temps, Joe s’était assis avec une suprême nonchalance et promenait sa main dans une de ses poches, d’où il tira au bout de quelques instants un bout de cigare à moitié brûlé.

— Maintenant, Joe, parlons d’affaires, dit tranquillement le gros homme. Je commence à me faire vieux, et je ne veux pas courir le risque de m’en aller, en te laissant sur le pavé, sans un honnête moyen de gagner ta vie.

Joe regarda son interlocuteur avec des yeux pleins de malice ; des yeux dont, en vérité, le propriétaire ne semblait nullement en danger de se trouver jamais sans moyen d’existence.

— J’ai rêvé, reprit le gros homme, de t’initier à mon métier. Je n’en sais pas de plus honnête quand il est loyalement exercé. Mais n’est pas policier qui veut. Il faut pour réussir, chez nous, un instinct qui ne se donne point à ceux qui ne l’ont pas naturellement. C’est pour essayer ce dont tu es capable que je t’ai demandé de m’aider dans cette affaire de billets de la banque de Montréal, qui est bien une des plus obscures que j’ai encore rencontrées. Dis-moi ce que tu as fait aujourd’hui, je suis curieux de savoir ce que tu as tiré des indications que je t’ai données sur l’homme que nous soupçonnons.

— Ce que j’ai fait mon oncle ? Ici, Joe souleva son chapeau pour se gratter la tête et boutonna un bouton de son paletot. Mais je me suis promené ; je suis allé et venu. Vous savez que je suis curieux comme un singe. J’ai été sur le quai, voir les bateaux nouvellement arrivés. Il y en a précisément un…

— Comment ! sur le quai ! exclama Lafortune. Es-tu fou ? Ne t’avais-je pas donné une surveillance à exercer dans la rue St. Hippolyte ?

Joe haussa les épaules avec une expression de physionomie indescriptible.

— Voyons, mon oncle, il faut être sérieux. Vous m’avez dit de surveiller rue St. Hippolyte, la maison de M. Robert Halt.