Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/6

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— Un ami de qui ? demanda Joe ; ce n’est certainement pas de M. Robert Halt.

— Je sais bien, dit Lafortune, que cette dénonciation peut venir de quelqu’un qui lui veut du mal. Mais, il ne s’agit pas de savoir si on lui veut du mal ou du bien. Les renseignements sont précis : un homme à cheveux roux, un rendez-vous à Trois-Rivières, une liasse de billets contrefaits. Nous verrons bien si l’homme à cheveux roux existe ; et si le premier fait est reconnu vrai, c’est que nous serons sur la bonne piste ; ensuite, on verra les autres.

Joe semblait écouter avec une attention soutenue, et sa figure ne faisait pas un mouvement ; mais, si son oncle eût regardé ce qui se passait sous la table, il eut été fort étonné de voir les jambes et les pieds du jeune gamin, s’agiter silencieusement, dans un travail gymnastique qui devait avoir un but très intéressant. Le pied droit semblait s’allonger sous l’effort de son propriétaire et avança, sans que le buste parût remuer, jusque sous la chaise de Lafortune, puis il se mit à rétrograder en ramenant devant lui sur le tapis, dans la direction de Joe, une enveloppe de lettre que Lafortune avait laissé tomber sans y prendre garde.

— Enfin, qu’est-ce que tu penses de cette lettre ? demanda Lafortune qui n’avait rien vu de ce manège.

— Je vous dirai ce que j’en pense quand j’aurai ramassé mon bouton de paletot, dit Joe, en se penchant vivement et en ramassant, en même temps que ce bouton, une enveloppe qu’il s’empressa de glisser dans sa poche.

— Je pense, reprit-il en se relevant, que M. Robert Halt est un jeune professeur de musique. Je pense qu’on ne fait pas de fausse monnaie, pour le plaisir de tapisser sa chambre de bain avec de faux bank notes ; et qu’un jeune homme du monde ne se tuerait pas à travailler pour vivre, s’il avait volé deux millions.