Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/118

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Préface.

Il ne servi onques de losenge mener,
Ne volt franc home acuser à l’emperer ;
Le bom lignage fist al roi exaucer,
Et del servire son segnor ne volt se oblier.

Personne ne contestera et ne peut contester que celui qui a écrit ces cinq vers ou plutôt ces cinq lignes n’eût sous les yeux le modèle ci-dessus. Comment l’a-t-il suivi ? On le voit de reste. Quatre fois sur cinq il a rompu la mesure ; pour rendre l’idée renfermée dans losengier, il a imaginé la périphrase losenge mener, quoique losengier se retrouve en italien sous la forme lusinghiere ou lusinghiero ; il a substitué à la locution ampirier à la cort (empirer à la cour) l’expression acuser à l’emperer, dont le dernier mot est un barbarisme et forme une rime inadmissible[1]. Enfin, il a dénaturé le sens du cinquième vers. Ce n’est certes pas par distraction qu’il en a usé ainsi ; c’est donc de son plein gré, et pourquoi ? Apparemment parce que servir de losenge mener lui a paru plus clair que servir de losengier ; parce que accuser à l’empereur lui semblait comme de fait plus facile à comprendre que empirer à la cour ; enfin parce qu’à changer le sens du dernier vers il trouvait le même avantage.

Continuons notre comparaison.

L’armée de Charlemagne est en Italie, non loin de celle du chef sarrasin Agolant ; mais les deux armées sont séparées par une mon-

  1. Emperer pour emperere (empereur) se retrouve dans tous les poëmes italianisés, soit à la rime, soit ailleurs. Per, mer, pour père, mère, sont des barbarismes analogues.