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Préface.

lorsque Philippe le Bel et ses trois fils, et le roi d’Angleterre, prirent la croix[1].

Voici donc ce qu’est devenu notre poëme à la fin du XIVe siècle. Quelques lettrés seulement le connaissent encore dans son entier ; mais ceux-là même ne paraissent se plaire à en rappeler que le souvenir du chien d’Aubri. L’édifice construit par l’imagination du vieux trouvère est en ruines ; il n’en reste debout qu’une colonne, mais si bien assise, si bien protégée par la crédulité populaire, que rien ne pourra la renverser, et qu’elle formera à elle seule une sorte de monument.

Il est curieux de remarquer comment cette partie se dégage de l’ensemble où elle était comprise. L’auteur de Tristan de Nanteuil et le chroniqueur anonyme rapportent encore au règne de Charlemagne l’histoire du chien d’Aubri ; mais dans les récits de Gace de la Buigne, de Gaston Phébus et du Menagier, on ne voit apparaître qu’un roi sans nom : le roi de France. Cette vague désignation favorise, pour ainsi parler, la rupture du lien qui rattachait le chien d’Aubri au poëme natal. Il faut observer en outre que Gace de la Buigne, Gaston Phébus et le Menagier, durent avoir beaucoup plus de lecteurs que les auteurs de Tristan de Nanteuil et de la chronique anonyme, et par là durent singulièrement contribuer à isoler l’épisode du chien, à en faire une histoire à part.

Je dis histoire au sens le plus grave du mot. C’est à ce titre qu’elle se propage, surtout à

  1. Voyez la note de M. J. Pichon au lieu cité.