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de Robinson Crusoé.

étrangère, où il n’étoit rien qui pût être l’objet de mes espérances, non plus que de mes desirs : en effet, je n’avois plus de commerce avec ce monde ; &, selon toutes les apparences, je n’en devois jamais plus avoir. Il me sembloit que je le pouvois regarder dès-lors comme nous le regarderons peut-être en l’autre monde ; je veux dire comme un lieu où j’avois autrefois vécu, mais d’où j’étois sorti ; & véritablement je pouvois bien dire ce qu’Abraham disoit au mauvais riche dans la parabole de l’évangile : Il y a un abîme de séparation entre toi & moi.

En premier lieu, je croyois me pouvoir féliciter à bon droit de ce qu’une puissante barrière me garantissoit suffisamment des maux contagieux du siècle. Je ne redoutois ni la convoitise des yeux, ni l’orgueil de la vie. Je n’avois rien à convoiter, parce que je possédois déjà toutes les choses dont j’étois actuellement capable de jouir : j’étois le seigneur du lieu : je pouvois même, si bon me sembloit, me donner le titre de roi, ou, si vous voulez, d’emprereur de tout le pays ; car tout étoit soumis à ma puissance : par-tout j’exerçois un empire despotique ; point de rival, point de compétiteur pour me disputer le commandement, ou la souveraineté : j’aurois pu amasser des magasins de bled ; mais ils ne m’auroient été d’aucun usage ;