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de Robinson Crusoé.

ma course au Sud pendant onze jours ou environ, durant lesquels je ne me mis point en peine d’approcher de terre. Au bout de ce terme je vis que le Continent s’allongeoit bien avant dans la mer : c’étoit justement vis-à-vis de moi, à quatre ou cinq lieues de distance : il faisoit un grand calme & je fis un long détour à larguer pour pouvoir gagner la pointe : j’en vins à bout, & lorsque je la doublai j’étois à deux lieues du Continent, voyant distinctement d’autres terres à l’opposite. Alors je conclus, ce qui étoit bien vrai, que j’avois d’un côté le Cap-Verd, & de l’autre les Isles qui en portent le nom. Je ne savois pourtant pas encore auquel des deux je devois me tourner : car s’il survenoit un vent un peu fort, je pouvois bien manquer l’un & l’autre.

Dans cette perplexité je devins rêveur. J’entrai dans la cabane, laissant à Xuri le soin du gouvernail, & je m’assis. Mais tout-à-coup ce petit garçon s’écria : Maître, maître, je vois un vaisseau à la voile : & il paroissoit si effrayé, qu’il ne se possédoit pas ; assez simple pour s’imaginer que c’étoit un bâtiment que son maître avait envoyé à notre poursuite, dans le tems que j’étois très-assuré que la distance des lieux ne nous permettoit plus de rien craindre de ce côté là. Je sortis avec précipitation de la cabane ; & non-seulement je vis le vaisseau, mais encore je reconnus qu’il