Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 20.djvu/97

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ſon ſort. Mais, ô mortel, qui que vous ſoyez, fuyez, rentrez dans la caverne dont vous venez de ſortir. Un autre, moins compâtiſſant que moi, vous arrêteroit. L’ordre eſt général ; depuis le jour funeſte qu’Hildaë, notre reine, a mis un blanc au monde, il ne s’en paſſe point, qui ne ſoit marqué par le ſacrifice de pluſieurs hommes de cette couleur. Tous les sujets du roi ſont ſes eſpions, & les peines ſont ſi rigoureuſes contre ceux qui les laiſſent échapper, que perſonne n’oſe haſarder de contrevenir à ſes loix inhumaines : non-ſeulement il en coûte la vie, mais encore la perte de ſon bien & de ſa famille.

Je reſtai immobile à ce diſcours : pluſieurs réflexions ſe faiſoient dans mon eſprit agité ; malgré les préjugés, une voix intérieure s’élevoit dans mon cœur pour mon père ; mais la crainte, inſéparable du ſort dont j’étois menacé, prédominoit. Ô vous ! m’écriai-je, qui que vous ſoyez, protégez le fils d’une grande reine, que la bonté céleſte a préſervée du ſort qui lui étoit deſtiné. Vilkhonhis l’a ſauvée du trépas : mais, hélas ! à combien d’amertumes n’eſt-elle pas à préſent en proie ? J’étois ſa conſolation : elle me perd ; que de pleurs répandues ! Ô ma mère que ne puis-je vous aller retrouver, & rendre le calme à votre ame !