Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/101

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affaires, c’est travailler positivement à les rendre malheureux. Je pourrois entrer dans un grand détail sur ce sujet ; mais je me contenterai d’indiquer, seulement, quelques inconvéniens terribles qui suivent la manière ordinaire d’introduire les jeunes gens dans le monde, sans faire attention à leurs penchans, & à leurs dispositions de corps & d’esprit.

Combien ne voit-on pas d’ames guerrières condamnées aux soins paisibles du négoce, dans le tems qu’on gâte un excellent corps de crocheteur, en masquant d’une robe d’avocat, ou d’un habit ecclésiastique ses membres massifs & nerveux.

Combien de jeunes gens grossiers & sans adresse voyons-nous élevés pour la chirurgie, ou pour la musique instrumentale, quoiqu’en nous montrant leurs doigts épais & mal emboîtés, la nature nous apprenne elle-même qu’elle les avoit destinés à manier le marteau du maréchal, la hache du charpentier, le fouet du fiacre, ou la rame du batelier ?

C’est au même défaut de discernement & de prudence, que nous sommes redevables de ce grand nombre de jeunes gens qui entrent dans le barreau, ou qui montent en chaire avec des voix rudes & peu sonores, avec une langue embarrassée & bégayante, & que nous voyons des