corps lourds & engourdis, & des jambes torses & cagneuses, destinées à faire les membres d’un sauteur & d’un maître à danser.
Quoique je puisse me servir d’un grand nombre d’autres exemples, je n’allègue que ceux-ci, parce qu’ils s’offrent le plus fréquemment à la réflexion du public. Il n’est pas possible que des personnes si fort déplacées dans le monde, ne maudissent mille & mille fois, pendant le cours de leur vie, l’injustice de leurs pères, qui, en manquant de payer ce qu’ils devoient à eux & à la nature, les ont exposés au mépris & à la raillerie des autres hommes.
Entrant un jour dans un cabaret à Londres, je vis une espèce de négre, assis parmi plusieurs honnêtes gens, & engagé avec eux dans une conversation assez animée. Je pris une chaise pour lui prêter attention, à l’exemple de toute la compagnie, qui sembloit écouter ses discours avec beaucoup de plaisir. Je trouvai qu’il n’avoit certainement pas tort ; il les entretenoit sur plusieurs matières importantes & épineuses avec beaucoup d’esprit, de savoir & de jugement ; l’étude paroissoit faire ses plus grands délices, & je vis qu’il avoit choisi dans les sciences, ce qu’il y a de plus nobile & de plus utile. Étonné d’une particularité si extraordinaire, dans un homme de sa couleur, je pris à la fin la liberté
