Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il faut de néceſſité, que dans une ame criminelle, il y ait des intervalles ſombres & ténébreux ; les orages qui naiſſent dans la conſcience, doivent abſolument couvrir la phyſionomie de nuées obſcures, & quand il fait mauvais tems dans l’ame, il n’eſt pas poſſible que la ſérénité ſoit dans l’air du viſage. Le ſourire d’un tel homme a quelque choſe de contraint, qu’il eſt facile de découvrir : ſon naturel peut le porter à la joie ; mais les remords de ſa conſcience interrompent ſouvent cette joie, au milieu de ſa plus grande vivacité ; — & il cherchera en vain la pure volupté, elle le fuira toujours.

Voulez-vous vous convaincre de cette vérité par vos propres yeux ? Examinez, dans une compagnie, un homme coupable de quelque mauvaiſe action ; portez votre attention ſur tout ſon air ; dans les plus grands emportemens de ſa joie, vous verrez ſouvent qu’un chagrin involontaire s’empare de ſon ame, & en force l’entrée : il s’en apperçoit, il en détourne ſa penſée avec violence ; mais au milieu d’un grand éclat de rire, il eſt encore interrompu par des ſoupirs dont il n’eſt pas le maître. La choſe eſt réelle, elle ne ſauroit être autrement, & je n’ai jamais de ma vie fréquenté un homme vicieux, ſans découvrir évidemment en lui ce ſymptôme. C’eſt une eſpèce de reſpiration d’une ame à qui