Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on ne donne pas le tems de ſe laiſſer perſuader par les principes de la raiſon ; ce ſont les ſoupirs d’une vertu que l’on charge de fers, c’eſt un ſoulèvement de l’eſprit contre la tyrannie des mauvaiſes maximes dont on lui impoſe le joug. Dans l’homme pieux, au contraire, la tranquillité eſt ſuivie & durable, parce qu’elle eſt naturelle. Il eſt toujours de bonne humeur, parce qu’il ne rougit pas de lui-même.

La bonne humeur conſtante & inaltérable, ne ſauroit jamais procéder que d’un fonds de vertu, & par conſéquent le proverbe, qui veut que le bonheur conſiſte, d’une manière vague, dans le contentement de l’eſprit, eſt auſſi mal fondé qu’il eſt adopté généralement. Il deviendra vrai & raiſonnable, dès que l’on ſuppoſera que ce contentement eſt fondé ſur une baſe dont un bon ſens épuré puiſſe être content ; sans cela ; on peut dire qu’un habitant des Petites-Maiſons eſt ſouvent le plus heureux des hommes. Il chante dans ſa priſon, il danſe dans ſes chaînes ; la vapeur qui le maîtriſe, en fait à son gré, un miniſtre d’état, un prince, un roi. C’eſt de cette ſorte de contentement dont, à ce que l’on dit, jouiſſoit autrefois certaine ducheſſe, qui s’étoit mis dans l’eſprit qu’elle étoit impératrice ; ſes laquais étaient armés de javelots & habillés à l’antique ;