Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 3.djvu/116

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ce vice a cette bonne qualité, entre bien des mauvaiſes, qu’il ne ſouffre pas que ſes eſclaves incommodent long-tems les honnêtes gens : mais s’il arrive encore quelquefois qu’on voye un ivrogne âgé, du moins puis-je dire que je n’ai jamais vu un vieil ivrogne qui fût de bonne humeur.

C’eſt une choſe fort étrange qu’il y ait des gens dans le monde aſſez extravagans pour s’étudier à ſe rendre peu ſociables. Comment peuvent-ils ignorer que la ſociabilité eſt le caractère du monde le plus propre à s’attirer l’eſtime & l’amitié des gens du plus solide mérite, & procurer à celui qui le poſſède la plus grande félicité dont on puiſſe jouir ſur la terre ? Il y a même des personnes qui ſe ſont fait une idée de mérite à part, & qui, ſe plaiſant dans la ſingularité de leurs manières & de leurs ſentiments, ſe font un honneur de leur miſantropie, qui n’est qu’un orgueil impertinent & ridicule. Ce n’eſt être ni honnête homme, ni homme religieux. Pour mériter ces titres, il faut ſuivre le précepte de S. Paul, être affable, prévenant, humble, & eſtimer chacun plus excellent que ſois-même. Ce n’eſt pas la miſantropie ſeule qui nous écarte de cette règle ſi ſage : ce ſont encore d’autres branches de la vanité & de l’amour-propre qui nous en éloignent : généralement parlant, tous les hommes ont la ſottiſe de ſe préférer