Pourquoi ne pas le dire, ça me fait pitié.
Comment cela finira-t-il ?
Toi, mon ami — si j’ose m’exprimer ainsi — de quel côté vas-tu te diriger ?
J’allais à Poltava et je dirigerai mes pas de façon à ne plus jamais retourner… Encore deux mots à Natalie… Nanine ! à cause de toi j’ai laissé Poltava et pour toi j’ai travaillé quatre ans dans des pays lointains. Toi et moi, nous avons grandi et nous avons été élevés ensemble chez ta mère ; personne ne pourra m’empêcher de te considérer comme ma sœur. Ce que j’ai gagné, c’est à toi. (Tirant de son sein une bourse avec de l’argent.) Tiens, prends, pour que monsieur l’huissier ne te reproche pas de t’avoir tirée de la misère et de t’avoir achetée. Adieu ! Honore notre mère, aime ton mari et pour moi, fais-moi dire une messe.
Pétro ! Mon malheur n’est pas de cette sorte que je puisse m’en racheter avec de l’argent (Montrant son cœur.) Il est là. Je n’ai pas besoin de ton argent. Il ne me servirait à rien — nos ennemis ne se réjouiront pas de notre malheur. Ma vie n’est pas loin de finir. (Elle appuie sa tête sur l’épaule de Pétro.)
Pétro !
Maman ! Quelle perte nous faisons !
Et toi, qu’est-ce que ça te dit ?
Un homme comme Pétro, je n’en ai pas vu depuis que je suis né.
J’ai mûrement réfléchi et j’ai trouvé qu’un acte magnanime éveille en nous les plus nobles passions. Moi, huissier, je reconnais que dès ma naissance j’avais la bosse des bonnes actions, mais, pris par mes devoirs et occupé d’ailleurs par d’autres soucis, je n’ai pu en commettre aucune. L’acte de Pétro si sincère et si dépourvu de malice m’amène à agir comme suit… (à Horpyna.) Femme courbée sous le poids des ans, béniriez vous une bonne action ?
Que votre volonté soit faite. Ce que vous ordonnerez sera bien. N’êtes-vous pas le lettré de notre canton ?
Brave Pétro et toi, valeureuse Natalie, approchez-vous. (Il les prend par la main et s’avançant vers la mère lui dit.) Bénis tes enfants pour qu’ils vivent heureux et en bonne santé. Quant à moi, je me dessaisis de Natalie et en fait la cession pleine, entière et héréditaire à Pétro, pour qu’il fasse son bon-