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dentale. Les populations de ces contrées avaient conscience de ces différences nationales qui les séparaient des Grands-Russes, tandis que les facteurs de la vie politique et culturelle les mettaient en contact avec les Blancs-Russes, qui se trouvaient, eux aussi, sous l’influence de l’Occident. Les Grands-Russes sentaient bien, de leur côté, ces différences, car ils commencèrent alors à donner à la nationalité ukrainienne, à sa langue et à sa littérature le nom de « blanc-russe »[1]. Mais, en général, les Ukrainiens ne sentirent pas de longtemps le besoin de se différencier par une appellation spéciale des Grands-Russes ; au contraire, dans leurs conflits avec les éléments catholiques polonais et lithuaniens, ils en appelèrent plus d’une fois à la communauté de religion qui les liait aux Grands-Russes, aussi bien qu’aux Roumains, et, dans les moments difficiles, ils cherchèrent un soutien chez leurs coreligionnaires contre les prétentions lithuano-polonaises.

Il se produisit un changement lorsque, au milieu du xviie siècle, l’Ukraine se réunit politiquement à la Moscovie. Il s’agissait maintenant pour nos ancêtres de maintenir leur autonomie politique contre la centralisation et de défendre leur indépendance intellectuelle contre la censure et les empiétements de Moscou. Il leur fallait mettre en relief leurs droits historiques et nationaux, souligner leurs différences culturelles et nationales, et, puisque les Grands-Russes s’appropriaient exclusivement le nom de « Russes », il leur fallut chercher un autre nom pour s’opposer plus efficacement à Moscou.

À la hâte, on employa l’ancien terme ecclésiastique de « Petit-Russe » qui commença à se répandre dans les classes dirigeantes ukrainiennes, pour désigner leur administration, leur église, leur civilisation, leur langage et qui resta, plus ou moins, en usage jusqu’au xixe siècle. Mais il ne s’implanta point dans la nation ; les classes mêmes qui s’en servaient en reconnaissaient l’insuffisance. Non seulement les contrées ukrainiennes de l’ouest ne l’acceptèrent-elles pas et leurs habitants continuèrent-ils à s’appeler « russes » en opposition à la nation « moscovite », mais encore les provinces ukrainiennes placées sous la domination russe, mais ne faisant pas partie de l’Hetmanat qui s’unit à Moscou en 1648, considéraient l’appellation de

  1. En ce qui touche l’évolution des termes de « petit-russe », « blanc-russe » et « ukrainien » voir l’appendice à la fin du volume.
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