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« petit-russe » comme leur étant étrangère, puisque c’était un terme spécialement appliqué à l’Hetmanat, c’est-à-dire, aux gouvernements de Tchernyhiv et de Poltava. Les territoires situés à l’est de ces gouvernements — ceux de Charkov et les districts voisins — gardèrent leur nom d’« Ukraine Slobidska », tandis que les contrées à l’ouest du Dniéper n’entendaient pas être « petites-russiennes ».

Il fallut chercher une dénomination générale qui s’appliquât à tous les groupes de cette nationalité dont la vie intellectuelle n’avait cessé au cours des siècles de manifester les mêmes caractères propres, de cette nationalité dont l’unité apparaissait toujours plus clairement dans la conscience des masses. On essaya bien au xixe siècle d’introduire le terme de « iugo-russe », mais celui d’« ukrainien » a fini par l’emporter. Il s’appliquait depuis longtemps aux territoires orientaux et prit de plus en plus un caractère généralement national et politique de la vie nationale. Il fut adopté dès le début par les grands maîtres du xixe siècle, spécialement par Chevtchenko, de sorte que, dans la seconde moitié du siècle, il se répandit promptement et devint la dénomination nationale pour tout le pays.

Mais, tandis que la terminologie nationale, à travers les circonstances que nous venons de relater, restait flottante et assez peu claire, la vie intellectuelle ukrainienne et spécialement la vie littéraire, présente une unité, une continuité de développement assez remarquable, surtout si l’on prend en considération les désavantages extérieurs dont elle eut à souffrir.

La littérature « russe », telle qu’elle s’était développée au berceau historique de la race ukrainienne, à Kiev, sur le fondement d’une langue littéraire commune, née dans les centres intellectuels — les principaux monastères et la chaire métropolitaine — en étroite liaison avec le slavon rituel, apporté de Bulgarie, servit de source et de modèle aux ouvrages locaux, à ces petites littératures qui se développèrent plus tard dans les centres politiques et intellectuels de l’Europe Orientale. Dans les centres kiévois se rassemblèrent les forces culturelles, non seulement des environs immédiats de la ville, mais aussi des contrées éloignées qui étaient soumises à son gouvernement ; le travail littéraire en commun et l’influence d’une langue rituelle commune neutralisèrent les particularités idiomatiques

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