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et firent de la langue de Kiev un instrument littéraire général. En partant de la capitale pour aller remplir dans les provinces toutes sortes de fonctions administratives et ecclésiastiques, les membres de ses cercles littéraires et les élèves de ses écoles emportaient avec eux, en même temps que les œuvres littéraires qui devaient servir de modèles, les manières et la langue littéraire kiévoises, qui s’implantèrent dans les centres provinciaux, parmi lesquels, lorsque Kiev fut déchu, devaient se distinguer en première ligne, dans les contrées ukrainiennes, Halitch et Vladimir Volynsky et, au xive siècle, Léopol qui se manifesta alors comme le foyer commercial et industriel le plus important et le centre de la vie intellectuelle de l’Ukraine occidentale.

Une évolution profonde se produisit du xiiie au xve siècle. Les sujets littéraires changent, la langue elle-même se modifie : elle prend plus de coloris local, les dialectes lui donnent plus de variété. Pour remplacer Kiev, il ne se forma pas de centre assez puissant qui pût maintenir l’unité de la langue commune. En même temps, l’influence de l’église orthodoxe s’affaiblit, lorsque les provinces occidentales furent réunies à la Pologne, tandis que celles du centre se joignaient à la Lithuanie : les éléments rituels disparurent de la langue littéraire et l’on vit s’établir la prépondérance du parler laïque, de la langue de l’administration, qui s’était développée sous l’influence marquée des dialectes blancs-russes, voisins des centres administratifs du grand-duché de Lithuanie. Au xvie siècle les lettres ukrainiennes, même au service de l’église, dans un but de popularisation, s’attachant aux exemples donnés par les prédicateurs protestants, se rapprochent autant que possible de la langue parlée. Ainsi des écrivains, comme Hérazime Smotrytsky ou Jean de Vychnia, écrivent à peu près dans la langue usitée de leur temps dans les classes élevées ukrainiennes.

Néanmoins, la conscience d’un lien direct avec la tradition de Kiev, le sentiment d’être les héritiers de sa vieille littérature ne s’éteint pas au milieu de tous ces changements. Les Ukrainiens qui écrivent à cette époque (xivexvie siècles), qu’ils soient orthodoxes ou uniates, ne cessent pas de se regarder comme les continuateurs des vieux auteurs de Kiev, qu’ils considèrent comme leurs maîtres et législateurs. La vieille chronique kiévoise, dans ses diverses versions, continue à servir de fondement à toutes les annales postérieures. Les légendes des

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