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La Catherine aux sourcils noirs
Fut enterrée au milieu des champs,
Et les vaillants Zaporogues
Se jurèrent dans la steppe fraternité éternelle.

1848.


J’étais alors dans ma treizième année
Et gardais les agneaux aux abords du village.
Est-ce parce que le soleil brillait tant,
Ou que cela vînt de moi-même —
Mais je me sentais heureux, bien heureux,
Comme si j’eusse été en paradis…
On nous avait déjà appelés au triage des bêtes[1],
Mais moi, caché dans les herbes folles,
Je priais Dieu… Je ne sais pas
Pourquoi, en ce moment-là,
Il m’était si doux de prier,
Pourquoi je me sentais si joyeux.
Le firmament divin, le village,
Les agneaux mêmes semblaient rayonner de joie
Et le soleil chauffait gentiment, sans brûler.

Mais cette douce chaleur ne dura pas longtemps
Et ma prière fut brève :
Le soleil attisa sa flamme, tourna au rouge
Et anéantit mon paradis dans ses feux.
Comme tiré tout-à-coup du sommeil, je regarde :
Le village est devenu tout noir,
L’azur divin du ciel lui-même
S’est assombri.
Je jette les yeux sur les agneaux…
Ce ne sont plus les miens !
Je me tourne vers ma maison…
Je n’ai plus de maison, à moi !
Le bon Dieu ne m’a rien donné.

  1. Chevtchenko, dans sa jeunesse, aidait le berger du village à garder les troupeaux. Avant de rentrer il fallait rassembler les bêtes pour que chaque propriétaire reconnaisse les siennes.
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