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saints kiéviens, recueillies du xie au XIIIe siècle dans le « Patericon de Kiev », sans cesse remaniées et amplifiées, restent toujours le livre le plus populaire. L’extrait du mémoire des évêques ukrainiens, que l’on trouvera plus loin (page 20), donne bien la façon de penser des intellectuels de l’époque sur les liens de filiation qui unissent les cosaques contemporains aux anciens russes de Kiev et l’activité des patriotes alors vivant à l’œuvre des Vladimir le Grand et autres protecteurs de la civilisation nationale. Nous retrouvons les mêmes idées chez ceux qui luttaient à Léopol pour la renaissance ukrainienne. Ils considéraient de leur devoir de réparer les fautes des générations antérieures, de remplir les lacunes laissées que les nouvelles luttes religieuses venaient de révéler à tous les yeux, de relever le niveau de l’éducation, et de développer l’activité des citoyens dans les sphères culturelles et nationales. Mais ce que l’on bâtit alors, se bâtit sur les vieux fondements de la civilisation de Kiev. Ce fut là le premier jalon de la renaissance ukrainienne, à la fin du xvie siècle et au commencement du xviie.

À ce moment, Kiev redevient le foyer national ukrainien. Ceux qui travaillaient à la renaissance religieuse et nationale s’y trouvaient plus en sûreté, sous la protection des cosaques, qu’à Léopol qui, au xvie siècle, avait épuisé ses ressources économiques et qui, dans sa décadence, était devenu la proie de la réaction polonaise. Et, en tombant sous l’influence des cosaques, la renaissance ukrainienne se démocratise, se sécularise et, dans son expression extérieure, la langue, se rapproche de plus en plus de l’élément populaire.

Après que l’Ukraine Orientale se fut unie à Moscou, les intérêts confessionnels étaient assurés. Par suite ils cessèrent d’être le levier qui soulevait le mouvement intellectuel et national, le centre de gravité se déplace et au premier plan passent les intérêts politiques. Les grandes luttes nationales, objet de la littérature du temps, avaient été menées par les cosaques contre les Polonais et leur régime aristocratique, maintenant il s’agit d’assurer les droits politiques et sociaux acquis par l’épée, de défendre l’autonomie politique, culturelle et religieuse de l’Ukraine contre les prétentions de la bureaucratie et du clergé moscovite. Il est vrai que la censure moscovite, introduite en Ukraine dès que l’église nationale fut tombée dans le ressort du patriarche de Moscou (1685), avait mis

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