Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/158

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tion cosaque et à la liberté ; car, ayant choisi ceux qui étaient les anciens en Ukraine, elle leur distribua des titres et des terres, elle leur livra leurs frères libres comme esclaves, faisant des uns des seigneurs et des autres des serfs.

L’Ukraine succomba, mais ce n’était qu’en apparence. Elle n’avait pas péri ; car elle ne voulut reconnaître ni le tzar, ni les seigneurs et quoiqu’elle eût un tzar, il lui restait étranger, et quoiqu’elle eût des seigneurs, ils lui restèrent aussi étrangers. Bien que ces avortons eussent du sang ukrainien dans les veines, ils ne souillaient pas de leurs bouches odieuses la langue ukrainienne et ne se donnaient point pour Ukrainiens. C’est pourquoi un véritable Ukrainien, qu’il soit de basse origine ou d’origine seigneuriale, ne doit maintenant aimer ni le tzar, ni les seigneurs, mais il doit aimer et avoir présent à la pensée un Dieu unique, Jésus-Christ, Maître et Seigneur sur la terre et dans les cieux.

Ainsi en a-t-il été auparavant, ainsi en est-il encore.

Et le monde slave, quoiqu’il ait souffert et souffre encore dans l’esclavage, n’a pas inventé de lui-même cette servitude, car ni le tzar, ni les seigneurs n’ont été imaginés par l’esprit slave, mais par celui des Allemands ou des Tartares. Or, à présent, quoiqu’il y ait en Russie un tzar despote, il n’est cependant pas slave, mais allemand. C’est pourquoi ses fonctionnaires sont aussi des Allemands ; c’est pourquoi, quoiqu’il y ait en Russie des seigneurs, il se transforment bien vite en allemands ou en français. Et un véritable Slave n’aime ni le tzar, ni les seigneurs, mais il aime et a toujours présent à l’esprit un Dieu unique, Jésus-Christ, Maître et Seigneur sur la terre et dans les cieux.

Ainsi en a-t-il été auparavant, ainsi en est-il encore.

L’Ukraine gît dans sa tombe, mais elle n’est point morte, car sa voix, cette voix appelant tous les Slaves à la liberté et à la fraternité, a retenti dans tout le monde slave. Elle retentit cette voix de l’Ukraine, en Pologne, lorsque, le 3 Mai, les Polonais décidèrent qu’il n’y aurait plus de seigneurs et que tous seraient égaux dans la République ; c’est ce que l’Ukraine avait voulu 120 ans auparavant.

Or on ne laissa pas la Pologne réaliser son vœu : on la déchira, comme on avait autrefois déchiré l’Ukraine.

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