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Pantéléimon Kouliche :

Chez les Zaporogues.

C’est un fragment du roman historique intitulé « La Rada noire[1], une chronique de l’an 1663 », publié en 1858.

Le tambour se mit à battre et partout sur la place des Conseils les crieurs publics commencèrent à crier : « À la Rada, à la Rada, à la Rada ! » Il se produisit un mouvement et tout le monde se dirigea vers l’endroit où battait le tambour. Les confrères de la Sitche furent les premiers à sa hâter d’aller à la Rada.

« Pourquoi bat-on le tambour des conseils ? » demande l’un des confrères en se frayant un chemin à travers la foule.

« Comment, tu ne sais pas ? répondit un autre, on va mettre en jugement Kyrylo Tour[2]. »

Alors Pétro comprit et, pressant le pas, suivit, sans les quitter d’une semelle, deux cosaques zaporogues jusqu’au lieu même où siégeait le tribunal. Il eut la chance de pouvoir trouver une place d’où il pouvait tout voir par dessus les têtes des cosaques. Au milieu du cercle du tribunal se tenait debout Kyrylo Tour, les yeux baissés ; des confrères l’entouraient. Citadins et paysans essayaient de fendre la foule pour voir le tribunal des cosaques zaporogues. Mais les confrères zaporogues ne laissaient pas facilement entrer dans le cercle du tribunal quelqu’un dont on n’avait pas besoin. Ils s’étaient arcboutés épaule contre épaule sur trois rangs et raidissaient leurs pieds contre la terre, de sorte que les cosaques des villes, les bourgeois et les paysans avaient beau les pousser par derrière, ils n’arrivaient pas à resserrer leur cercle d’un seul pas. Ceux qui voulaient voir ou entendre quelque chose n’y parvenaient que par dessus les têtes et beaucoup de gens avaient grimpé sur les arbres pour satisfaire leur curiosité.

On voyait au premier rang Broukhovetsky, avec la « boulava » (bâton de commandement) des hetmans. Des cornettes de l’armée tenaient au-dessus de sa tête le « bountchouk[3] » et l’étendard portant la croix. Près de lui s’étaient placés : à sa droite le juge de l’armée avec sa crosse, à sa gauche le chancelier

  1. On appelait ainsi l’assemblée des simples cosaques.
  2. Tour signifie buffle ; Pouhatch, grand-duc (oiseau) ; Tchornohor, le Monténégrin.
  3. Comme « tcholka », voir page 7.
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