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Près de la voiture avec des cordes,
Celle-là s’écrie : « Hélas ! mon Dieu !
Hélas ! mon Dieu ! Mes pauvres pieds,
Mes pauvres petits pieds blancs,
Mère ne vous lave plus,
Le sable coupe vos orteils
Et leurs bouts saignent ! »
Celle que l’on avait mise dans le fourgon noir,
Celle-là pleure, celle-là crie :
« Hélas ! mon Dieu ! mes pauvres yeux !
Mes pauvres yeux noirs !
Ils ont seulement erré sur la contrée,
Mais ils n’ont rien vu du monde clair. »

Stéphan le voïvode.

Cette ballade nous a été conservée dans la grammaire composée par le philologue tchèque, Jean Blahoslav (1571), Quoique rendant exactement la langue vulgaire usitée en Ukraine à cette époque, le texte présente cependant des lacunes évidentes, qui ont été comblées par les philologues ukrainiens modernes. Stéphan le Grand, voïvode de Moldavie (1456 — 1504), était très populaire en Ukraine occidentale. Cette poésie remonte au commencement du xvie siècle.

Ô Danube, pourquoi couler si tristement ?
— Comment ne serais-je pas triste, moi, Danube !
Vois, des sources froides jaillissent de mon fond,
Les poissons troublent ma surface
Et sur mes bords trois armées sont arrêtées.
Les sabres se heurtent dans l’armée tartare.
Les flèches volent dans l’armée turque,
Mais, chez les Valaques, Stéphan est voïvode.
Dans les rangs de Stéphan pleure une jeune fille,
Une jeune fille pleure et dit en pleurant :
« Stéphan, Stéphan, Stéphan le voïvode,
Prends-moi donc avec toi ou laisse-moi partir. »
Que lui répond Stéphan le voïvode ?
« Ô belle jeune fille, je voudrais te prendre ;
« Mais te prendre, tu n’es pas mon égale,
« Et te laisser partir, je t’aime trop. »
Que dit la jeune fille ? « Laisse-moi donc Stéphan
Et je me jetterai dans le fleuve profond.
Je serai à celui qui m’en retirera. »

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