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Personne ne put sauver la jeune fille,
Seul Stéphan le voïvode la repêcha.
Il prit dans ses mains sa main blanche :
« Mon âme chérie, tu seras donc à moi ! »

Le cosaque et son cheval.

Trois années et trois semaines
Se sont écoulées en Ukraine,
Depuis que les Turcs ont tué le cosaque
Et l’ont abandonné sous un platane[1].
Sous un beau platane vert,
Le jeune cosaque est resté gisant ;
Son corps est devenu noir
Et se fendille sous le vent.
Près de lui son cheval s’attriste,
Il a creusé la terre qui lui monte jusqu’aux genoux.
« Ne reste pas ici, mon cheval,
« Je connais assez ta fidélité,
« Cours plutôt à travers la steppe et les bois,
« Traverse les plaines et les bocages,
« Va à la maison
« Vers ma femme fidèle,
« Tu heurteras à la porte avec ton sabot
« Et feras sonner ta bride,
« Mon frère sortira — il baissera la tête ;
« Ma mère sortira — elle deviendra triste ;
« Ma femme sortira — d’abord elle sera toute joyeuse,
« Elle s’arrêtera, regardera encore et tombera évanouie.
— Oh ! dis-moi, cheval, où ton maître est-il tombé de ta selle ?
« Dis-moi, cheval, vit-il encore ?
— Les Turcs m’ont rattrapé
« Et m’ont enlevé mon maître,
« Ils ont tiré dessus et lui ont donné des coups de sabre.
« Le malheur est arrivé au bord du Dniester,

« Ne crie pas, mère, ne t’attriste pas :
« Ton fils vient de se marier,

  1. Il s’agit ici du platane oriental (acer pseudo-platanus), aujourd’hui en train de disparaître en Ukraine, mais qui a été beaucoup employé dans la poésie nationale comme symbole de la jeunesse.
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