Page:Anthologie de la littérature ukrainienne jusqu'au milieu du XIXe siècle.djvu/64

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Et que je l’accable de fatigue ?
Nous mêmes nous ne pourrions plus fuir et ça ne te sauverait pas.
La horde d’Azov nous rattraperait,
Nous tuerait et nous couperait en morceaux,
Ou nous renverrait vivant sur les galères turques,
Dans les pays musulmans,
Où l’on nous livrerait à de cruels supplices. »

Ayant ainsi parlé, ils firent repartir leurs chevaux.
Et le plus jeune frère, le pauvre piéton,
Rattrape les chevaux de ses frères,
Saisit leurs étriers qu’il arrose de larmes.
Et prononce ces paroles : « Frères de mon sang,
Mes chers pigeons gris ! Vous avez des épées blanches,
Séparez ma tête de mes épaules.
Si vous ne voulez pas me prendre entre vos chevaux,
Tuez-moi plutôt comme il vous plaira,
Et mon jeune corps de cosaque,
Enterrez-le comme un chrétien dans un champ
Et ne l’abandonnez pas aux oiseaux et aux bêtes. »

Alors le plus jeune frère lui répondit ainsi,
En versant des larmes amères :
« Ô, mon frère chéri, mon pigeon gris !
Pourquoi dis-tu des paroles
Qui nous frappent comme un coup de couteau dans le cœur ?
Nous n’avons pas un sabre aiguisé
Pour en couper le cou de notre jeune frère.
Notre bras ne se lèverait pas pour cela,
Notre cœur ne l’oserait pas,
Notre âme ne pourrait jamais expier ce péché. »

Et le plus jeune frère, le pauvre piéton.
Court derrière les chevaux et dit :
« Ô mes frères, mes aînés chéris,
Mes pigeons gris ! Allez donc votre chemin,
Mais coupez de vos sabres les ronces et les branches,
Abattez les rameaux verts
Et jetez-les à votre jeune frère
Qui va à pied sur la route,
Comme des marques de cosaques, afin que je sache
Le chemin des villes chrétiennes,
Que je puisse retrouver mon père et ma mère. »

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